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Jonathan Cohen, virtuose de la démesure
- Renan Cros
- 2020-06-30
À l’occasion de la sortie d’Énorme – dans lequel il campe un aspirant papa dingo -, et dans le cadre de notre semaine spéciale Sophie Letourneur, nous republions cet article consacré à Jonathan Cohen.
Aussi à l’aise en teubé de compet’ dans Terrible Jungle d’Hugo Benamozig & David Caviglioli (en salles le 29 juillet) qu’en aspirant papa dingo dans Énorme de Sophie Letourneur (en salles le 2 septembre), Jonathan Cohen est une machine de comédie. Portrait.
Second rôle comique récurrent des années 2010, mytho légendaire de la série Bloqués, Jonathan Cohen est en train de passer à la vitesse supérieure. Une accélération de carrière faites de virages en épingle entre comédie populaire et cinéma d’auteur, cinéma et série, menée par son goût affûté pour les univers et les personnages hors normes.
Jonathan Cohen déborde. De mots, de gestes, de phrases, d’idées, de projets. Ça déborde tellement qu’on n’arrive même pas à le coincer autour d’un café pour discuter. Pas le temps. Alors on l’attrape au vol, au téléphone, tandis qu’il finit la post-production de sa série pour Canal +, La Flamme. Une parodie du Bachelor (la célèbre télé-réalité) dans laquelle il joue ledit célibataire entourée d’une horde de prétendantes interprétée par la crème des actrices françaises en roue libre, de Leïla Bekhti à Adèle Exarchopoulos en passant par Florence Foresti ou Léonie Simaga.
Un projet fou, peut-être le plus beau casting de l’année (on annonce également entre autres Vincent Dedienne, François Civil, Angèle, Ramzy Bedia) que le comédien de 40 ans porte sur ses épaules avec un mélange d’étonnement et de joie. « C’est un délire, un remake d’une série de Ben Stiller. Avec mes co-auteurs, ça nous faisait marrer de tenter de faire ça en France. Et tout d’un coup, les gens nous ont suivis, tout le monde a dit oui et la série s’est tourné hyper rapidement. J’en reviens toujours pas… », nous explique-t-il dans un souffle.
Que Jonathan Cohen adapte un format inventé par le comédien Ben Stiller, logique. Il partage avec l’acteur-réalisateur de Zoolander et toute la clique américaine de la comédie contemporaine ( Will Ferrell, Andy Samberg) la même gourmandise à créer et faire vivre des personnages grotesques. De son double musical Fucking Fred – affreux dj vulgaire – auquel il a redonné vie pendant le confinement avec le tube désormais culte « Confine le » au génial et pathétique Serge le Mytho, Cohen est une machine de comédie, capable de donner corps au n’importe quoi avec une évidence tordante. « Serge, c’est un peu ma bande démo. Tout ce que j’aime. On part d’une situation réelle, une histoire et après on s’en va loin, ça monte, ça descend, c’est génial, c’est trop long, ça va se crasher et puis hop, on retombe sur nos pattes. La folie de ce personnage, son côté raconteur fou un peu pathétique ça m’a permis de pousser un peu les murs de la comédie. Grâce à lui des gens, les choses se sont débloquées. Des gens comme Sophie Letourneur se sont dit que je pouvais peut-être avoir ma place dans leur univers. »
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Osez, osez Jonathan
Si d’aucuns l’imagine simple histrion du gag, le comédien vient pourtant du Conservatoire national supérieur d’Art Dramatique. Une formation classique qui vient structurer, nourrir, cette nature comique évidente qu’il manie comme un stradivarius. Si l’adage veut que « Less is More » , avec lui, « More is pas assez ». Il réussit à trouver dans le débordement, les excès de tout, de joie, de colères, de mots une justesse rare. Plus il en fait et plus ses personnages existent et nous parlent de nous.
À l’image de sa composition géniale et un brin inquiétant d’amoureux tordu et futur papa dingo dans Enorme. « Le réalisme ça ne m’intéresse pas tellement. J’aime quand ça décolle. Que ce soit dans Énorme ou Terrible Jungle, je me laisse porter par l’univers des cinéastes, leur regard, leur folie. Mon travail, c’est d’incarner, d’être pile au bon endroit. On ne peut pas exister dans ces univers aussi forts si on se met à les prendre de haut. Faut se laisser être le plus 1er degré possible. Aller chercher l’humain. »
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C’est peut-être là sa grande qualité de jeu et ce qui fait que Jonathan Cohen fait autant de bien au cinéma français. Profondément empathique, le comédien aime les personnages aussi bien pour leur grandeur que leur bêtise ou leur folie. Lui qui revendique le droit d’être autant chez lui dans la comédie populaire (Budapest) que dans la radicalité auteur d’un film comme Énorme est à l’affût du singulier. Premier rôle, second, ou simple apparition comme dans Tout Simplement Noir, peu importe. Tant que la voix trace d’autres contours, s’amuse avec le cinéma, il y aura toujours moyen pour lui de trouver sa place en débordant du cadre.
Image de couverture : Enorme de Sophie Letourneur © Avenue B Production / Vito Films