Sortie en 1961, cette fiction tortueuse sur fond de complot politique réalisée par le plus mystérieux des cinéastes de la Nouvelle Vague fascine par son audace et sa noirceur. À découvrir gratuitement du 24 au 30 décembre sur mk2 Curiosity.
Jacques Rivette était un amoureux de Paris et des énigmes — celles qui obsèdent ses héroïnes, les mènent vers des contrées philosophiques insoupçonnées et transforment la capitale en aire de jeux. Dans le troublant Céline et Julie vont en bateau (1974), c’est la quête de deux femmes (incarnées par Juliet Berto et Dominique Labourier) qui, sous l’influence d’Alice aux pays des merveilles et de la pièce philosophique La vie est un songe, errent autour de la rue Nadir-aux-Pommes, tout en déjouant les scénarios d’hommes trop sûrs de leur pouvoir. Ou bien encore, entre deux figures de karaté, le jeu de l’oie dans lequel se perdent Marie (Bulle Ogier), ex-taularde claustrophobe, et Baptiste (Pascale Ogier), une « Don Quichotte moderne » venue d’ « Ailleurs-Les-Oies », dans le génialissime Le Pont du Nord (1981).
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C’est le même esprit joueur, quoi que plus nihiliste et ouvertement politique, qui a animé le cinéaste dans ce captivant premier long-métrage, réalisé au tout début des années 1960. Renversant la célèbre formule de Charles Péguy (« Paris n’appartient à personne »), Rivette raconte, au cours de l’été 1957, les déboires d’une troupe de théâtre qui peine à trouver des fonds pour monter l’adaptation de Périclès, prince de Tyr de Shakespeare. Au même moment, Anne (Betty Schneider), jeune étudiante en lettres dont on suit les étranges pérégrinations entre Montmartre, Châtelet ou le Quartier latin, rejoint son frère Pierre, qui la présente à un groupe d’amis, parmi lesquels se trouvent Terry, une femme froide et secrète, et Philip, un Américain qui a fui le maccarthysme et qui, après le suicide d’un compositeur espagnol, croit qu’un sombre complot est à l’oeuvre.
Si Rivette revendique déjà sa filiation cinématographique (Louis Feuillade, Roberto Rossellini…), il semble aussi se placer dans la droite lignée des expérimentations surréalistes des années 1920 et 1930. Aux côtés des jeunes cinéastes de la Nouvelle Vague, autres dynamiteurs d’un « cinéma de papa » jugé beaucoup trop conventionnel (on sourit d’ailleurs en voyant les furtives apparitions de Chabrol, Godard ou Demy), il réalise son propre manifeste politique et esthétique. Montage fragmentaire, images répétitives, subtile dilution de la frontière entre rêve et réalité… Ce premier film inquiet, paranoïaque, se fait l’écho cryptique d’un contexte géopolitique délétère, entre la division du monde en blocs Est/Ouest, l’Insurrection de Budapest en 1956 ou la chasse aux sorcières de McCarthy aux États-Unis. « C’est la mise en scène d’un monde chaotique, mais pas absurde », fait d’ailleurs dire Rivette au personnage du metteur en scène à propos de la pièce de Shakespeare. « Un monde chaotique, mais pas absurde » : voilà qui pourrait aussi définir notre époque.
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Disponibles du 24 décembre au 30 décembre sur mk2 Curiosity
Paris nous appartient de Jacques Rivette (1961, 137 minutes)
Le Petit Lord Fauntleroy de John Cromwell (1936, 102 minutes, long métrage familial)
La Boîte à coquineries : 4 courts métrages érotiques de 1905 à 1950 : Une joueuse enragée (1905), Why girls walk home (1925), Le pompier des Folies Bergère (1928), The Apple knocker and the coke (1950) – avertissement jeunes spectateurs)
Réconciliation : le miracle Mandela de Michael Henry Wilson (2010, 52 minutes, documentaire)
Les Moomins et la chasse à la Comète de Maria Lindberg (2010, 75 minutes, film d’animation)