Un peu de nuit dans l’eau froide, et Jérémy Piette transfigure la plage de sa jeunesse à Lannion, où il s’inventait des histoires dans les rochers. Avec son court Le Garçon qui la nuit, le doux trentenaire aux trois oiseaux ne revient pas ici par nostalgie – alangui sur le sable aux folles couleurs, Arthur, son héros, voudrait retenir l’été avant de quitter ses amis et craint d’avoir précipité les choses en exprimant son désir à l’un d’entre eux.
Le cinéaste retourne en terre bretonne pour jouer avec ses souvenirs d’ado, son expérience d’adulte, qui se mêlent dans le flux et reflux des marées – son idole Jonas Mekas lui a montré qu’on pouvait chambouler le temps au cinéma. Ce sont donc de nouvelles vacances, enrichies de ses passages aux beaux-arts de Rennes ou à la villa Arson de Nice, de ses rencontres artistiques avec la photographe et plasticienne Natacha Lesueur ou la cinéaste Marie Losier. Aussi de la flamboyance des cabarets queer parisiens, dont la magie l’attrape lors d’un reportage pour Libération, journal pour lequel il écrit toujours, mais qu’il a quitté en tant que salarié pour se consacrer à d’autres mues.
Ces nuits scintillantes, il les recrée ici en transportant Arthur au plus profond des abysses, dans des ténèbres qui deviennent cocon. Il y rêve d’une créature chimérique qu’on appelle avec des larmes, une sirène à la queue faite de faux ongles, qui pour le guider dans la vie lui murmure cette si belle et si énigmatique chanson de Brigitte Fontaine, « J’ai 26 ans ». Comme une leçon qui reste à élucider, ou une boussole insensée qu’on garde précieusement sur nous.
Le Garçon qui la nuit, lors du cycle « Aujourd’hui le cinéma », le 19 février, à la Cinémathèque française.