NOUVELLE STAR · Félix Kysyl: « Ce que j’ai aimé, c’est qu’Alain Guiraudie n’était pas du tout dans la psychologie »

Alain Guiraudie avoue l’avoir choisi pour le rôle principal de son sublime « Miséricorde » parce qu’on lui donnerait le bon Dieu sans confession et qu’il peut en même temps avoir des regards de tueur. Dans le rôle d’un homme de retour dans son village natal où il sème le trouble, l’acteur magnétise.


Quand son personnage, Jérémie, entre dans une pièce, les gens sont comme pris d’un vertige. Doué du même charme étrange que Terence Stamp dans Théorème de Pier Paolo Pasolini, Félix Kysyl est de ces acteurs qui savent installer tout à la fois tension et attraction.

Fascinant d’ambiguïté, Jérémie revient dans son bourg natal pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. On ne sait pas vraiment ce qu’il veut, mais, alors qu’une disparition sème la panique, il s’incruste un peu trop longtemps chez la veuve (Catherine Frot), comme obsédé par le défunt.

«Ce que j’ai aimé, c’est qu’Alain n’était pas du tout dans la psychologie. Le passé du personnage, je trouve que c’est pas mal de le laisser comme ça. Moi, par instinct, j’ai envie de l’écouter, il a tellement besoin d’amour qu’on a envie de se demander ce qui se passe, s’il n’a pas aussi une petite pathologie… », précise l’acteur, qui se voit nostalgique – mais pas du tout mélancolique.

Né dans une famille d’acteurs, le Parisien (il se dit supporteur du PSG, «même si ce n’est pas toujours facile »), passé par le cours Florent puis par le Conservatoire national d’art dramatique, vu au cinéma dans des petits rôles, avait déjà tapé dans l’œil d’Alain Guiraudie pour Rester vertical (2016) – mais ça ne s’était pas fait. « Il est la preuve qu’on peut réaliser des films sur le trouble, le désir, pas forcément dans la norme et bien-pensants, et le faire de manière totalement saine. » On espère retrouver bientôt sa présence énigmatique chez d’autres grands cinéastes de l’équivoque – lui se verrait bien chez Ken Loach, Justine Triet ou Jacques Audiard.

Image © Julien Liénard pour TROISCOULEURS