« Nosferatu » de Robert Eggers : une relecture fiévreuse et mutante

[CRITIQUE] Fidèle à la trame du chef-d’œuvre de Friedrich Wilhelm Murnau (1922), pétri par les motifs du récit gothique et porté par une Lily-Rose Depp incandescente, le Nosferatu de Robert Eggers se mue lentement en musée des horreurs.


"Nosferatu" de Robert Eggers
"Nosferatu" de Robert Eggers

C’est une énergie contrariée, hybride, qui confère au film son pouvoir de fascination et un surplus d’étrangeté. À rebours des fictions vampiriques modernes, pleines d’humanité, qui mettent en scène les tourments et l’errance de leurs figures immortelles, cette relecture de Nosferatu ravive la première émotion que les monstres suscitent : la peur. Celle qui nous saisit brutalement au fond d’un château-prison des Carpates, puis défigure la bonne société allemande des années 1830, déjà frappée d’aveuglement et gâtée par la veulerie des hommes.

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Mais aussi celle, bien sûr, liée à la présence écrasante du comte (Bill Skarsgård), plus proche du zombie que de l’être damné, monceau de chairs souillant même les songes d’une femme à distance, par l’ombre de sa main projetée sur la ville. Remake maladivement soigné, dont la veine picturale resplendit dans une soixantaine de décors bâtis pour l’occasion, Nosferatu version 2024 est une entreprise dévotieuse qui célèbre les classiques de l’horreur (contorsions de L’Exorciste comprises, grâce à Lily-Rose Depp, possédée comme jamais) et revisite les anciens films de Robert Eggers, avec le folklore de The Witch (2016), sous les rires déments de nombreux personnages. Mélodrame lancinant et pervers flirtant avec la parodie, nous menant vers les ténèbres en calèche, en bateau ou en rêve, cette fièvre de cinéma est une sacrée gourmandise.

Nosferatu de Robert Eggers, sortie le 25 décembre, Universal Pictures (2 h 13)