The Substance de Coralie Fargeat
Cette fable organique met en scène l’histoire d’Elisabeth Sparkle (incroyable Demi Moore), ex-star de cinéma hasbeen devenue présentatrice d’émission de fitness, dont la vie change tout à coup grâce à la « substance », un mystérieux liquide qui permet, après injection, de délivrer une meilleure, plus belle et plus jeune version de soi-même. Dans ce pacte faustien fascinant, Coralie Fargeat pousse les curseurs du gore et imprime la rétine de ses images à l’inoubliable beauté mortifère.
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MaXXXine de Ti West
Dans le troisième opus de sa trilogie d’horreur amorcée en 2022, Ti West quitte la ferme texane de X et Pearl pour le glamour du Hollywood des années 1980, où Maxine Minx (Mia Goth) est traquée par un tueur en série satanique. On ne boude pas notre plaisir devant ces retrouvailles avec cette héroïne jusqu’au-boutiste, dans ce film noir à l’esthétique néon, revisitant les codes du slasher et du giallo dans des séquences gore sensationnelles.
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Mi bestia de Camila Beltrán
À Bogota, en 1996, l’approche imminente d’une éclipse lunaire terrifie la population, qui y perçoit un présage sinistre : l’arrivée du diable. Présenté à l’ACID à Cannes 2024, le premier long métrage de Camila Beltrán sonde les croyances ancestrales d’une Colombie profondément religieuse et offre à sa jeune héroïne, Stella Martinez, un récit d’émancipation féroce, magnifié par une mise en scène sensorielle.
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L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine
Quarante-huit heures dans la vie d’un jeune Guinéen demandeur d’asile, livreur dans un Paris monstrueux, filmé comme un vortex. Boris Lojkine avance dans les pas des frères Dardenne, avant de faire muter son réalisme social vers le thriller suintant. Le film raconte l’histoire vraie de son acteur, Abou Sangare, et nous plonge comme en apnée dans sa course folle pour la dignité.
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Miséricorde d’Alain Guiraudie
Alain Guiraudie est un pirate capable de subvertir les imaginaires. Dans son nouveau film, une mère et son fils, un ours buveur de pastis, un curé, tous sont perturbés par le retour d’un enfant prodigue. Il s’appelle Jérémie (Félix Kysyl) et revient assister à des funérailles. L’arrivée de Jérémie dérange, littéralement ; elle bouscule l’ordre et les assignations. S’invente alors un génial thriller aux airs de Théorème rural, perverti de l’intérieur par une donne insaisissable : le désir.
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Le Royaume de Julien Colonna
Fille d’un bandit corse clandestin et recherché, Lesia (Ghjuvanna Benedetti) fait la connaissance de ce père l’été de ses 15 ans, dans le maquis. De ce point de départ romanesque, propre aux films de gangster, Julien Colonna tire une matière tragique, un récit de filiation crépusculaire qui déjoue le piège de la fascination pour la criminalité.
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Sans jamais nous connaître d’Andrew Haigh
Dans Sans jamais nous connaître, le cinéaste britannique prend appui sur les mêmes codes que dans son long Week-end (2012), délicate variation sur un plan gay : deux beaux gosses (joués par Paul Mescal et Andrew Scott), une rencontre impromptue, des étincelles. Mais sa douceur et sa sensibilité se teintent ici d’étrangeté, quand l’un des deux protagonistes tombe sur ses parents, pourtant morts des années plus tôt… Andrew Haigh signe un sublime film de deuil inapaisé, entre fantastique et comédie romantique.
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Dahomey de Mati Diop
Après son inoubliable premier long métrage Atlantique (2019), la cinéaste franco-sénégalaise nous a offert ce film précieux et formellement audacieux, Ours d’or à la dernière Berlinale. Par des gestes de mise en scène qui ont quasiment à voir avec de la magie, elle documente la restitution historique au Bénin de vingt-six trésors royaux, volés par l’armée coloniale française en 1892, tout en exhumant par la fiction la mémoire de populations exilées. Magistral.
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Le Robot Sauvage de Chris Sanders
Échoué sur une île déserte, un robot cherchant à s’adapter à la vie sauvage endosse le rôle de mère adoptive d’un oison orphelin. En portant le roman graphique éponyme de Peter Brown à l’écran, le réalisateur Chris Sanders et le Studio DreamWorks réussissent haut la main leur pari et signent une fable engagée et émouvante, sublimée par une animation sensorielle impressionnante, mêlant la 3D à un style impressionniste, inspiré des films de Miyazaki.
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Furiosa : une saga Mad Max de George Miller
Avec cette nouvelle pierre apportée à la saga Mad Max, George Miller modifie son point de vue et met au centre la guerrière Furiosa et l’histoire de ses origines. Il en résulte un spectacle étourdissant qui assume son goût des narrations qui prennent leur temps.
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Les Femmes au balcon de Noémie Merlant
Après Mi iubita mon amour (2022), premier film solaire, Noémie Merlant signe une fable féministe sans concession qui suit les aventures de trois colocataires, embarquées dans une affaire sanglante et luttant pour leur émancipation. D’une comédie burlesque, Les Femmes au balcon se transforme en un film de genre audacieux, conjuguant le fantastique avec la tradition grand-guignolesque du slasher dans une mise en scène vertigineuse.
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Blitz de Steve McQueen
Le cinéaste britannique raconte l’histoire de George, 9 ans, qui vit à Londres, en pleine Seconde Guerre mondiale. Pour le protéger, sa mère Rita (Saoirse Ronan), l’envoie à la campagne. Mais décidé à retrouver sa mère et son grand-père dans la capitale, George décide de les rejoindre par ses propres moyens, alors que Rita, morte de peur, se lance à sa recherche. Un drame historique intense à taille humaine et à l’esthétique plastique impeccable, disponible désormais sur Apple TV+.
Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau de Gints Zilbalodis
Dans un monde où l’humain est absent, une soudaine montée des eaux surprend un félin solitaire, contraint de partager une arche de fortune avec d’autres animaux… Poignant récit éco-anxieux et touchant plaidoyer pour le vivant, ce deuxième long métrage du cinéaste letton Gints Zilbalodis est un tour de force émotionnel, qui déploie des trésors éthologiques pour rester à hauteur de faune.
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La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
Les Höss (Sandra Hüller et Christian Friedel) habitent à Auschwitz, à deux pas de la mort à grande échelle, que le père, commandant du camp, orchestre avec une efficacité saluée en haut lieu, et que sa femme accepte sans problème. En déplaçant le regard habituellement porté sur la Shoah pour laisser la mort et l’horreur hors-champ, Jonathan Glazer en offre une vision plus pétrifiante que jamais.
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20 000 espèces d’abeilles d’Estibaliz Urresola Solaguren
Sublime premier long métrage de l’Espagnole Estíbaliz Urresola Solaguren, 20 000 Espèces d’abeillesraconte l’été d’une petite fille (Sofía Otero, Prix de la meilleure interprétation à la Berlinale 2023), 8 ans, dans la famille de sa mère au Pays basque espagnol, alors qu’elle prend conscience qu’elle ne se sent pas en adéquation avec le genre (masculin) assigné à sa naissance, ce que ses proches accueillent de différentes manières.
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Emmanuelle d’Audrey Diwan
Moderne et sinueux, Emmanuelle suit l’errance d’une femme (Noémie Merlant, impeccable) qui cherche à se reconnecter avec son désir et son plaisir. Avec cette adaptation libre du roman d’Emmanuelle Arsan publié en 1967, plus qu’un remake du célèbre film érotique de Just Jaeckin sorti en 1974, la cinéaste française ressuscite un genre tombé en désuétude : le cinéma érotique.
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Le Roman de Jim des frères Larrieu
Un ouvrier en intérim (renversant Karim Leklou) élève comme son fils l’enfant d’un autre, avant d’être écarté par la mère (Lætitia Dosch). En adaptant le roman de Pierric Bailly, les frères Larrieu livrent une odyssée paternelle terrassante, un mélo juché sur les cimes des montagnes jurassiennes, où les liens de la transmission supplantent ceux du sang. C’est épuré, bouleversant – une ode à la résilience.
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Desert of Namibia de Yoko Yamanaka
C’est l’histoire de Kana (Yumi Kawai), une Japonaise de 21 ans qui cultive la nonchalance comme un art de vivre. Pendant deux heures quasi mutiques, la réalisatrice Yoko Yamanaka dresse le portrait de cette héroïne cruelle, entre scènes de la vie conjugale et déambulations dans les artères de Tokyo. On l’aime autant qu’on la déteste, sans doute parce qu’elle a le don de refuser toutes les lâchetés du quotidien qu’on se coltine.
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Santosh de Sandhya Suri
Le premier long de l’anglo-indienne Sandhya Suri porte le nom de sa fascinante héroïne (Shahana Goswami), veuve et néo-flic chargée de résoudre un féminicide. Bientôt, l’enquête vire au fiasco et Santosh découvre, sous la coupe d’une mentor ambiguë (Sunita Rajwar), que la justice indienne pour les femmes n’est qu’une mascarade misogyne. Poisseux et sobre, un premier film en forme de promesse pour le renouveau du cinéma indien.
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All We Imagine as Light de Payal Kapadia
Grand Prix au Festival de Cannes, le deuxième long de la réalisatrice indienne (autrice du docu Toute une nuit sans savoir) topographie, dans un Bombay organique, les destins de trois femmes entravées dans leur désir. Il y a un peu de Apichatpong Weerasethakul, de Chantal Akerman et de Chris Marker mélangés dans ce grand film sur la force intranquille des femmes, dont le courage se déploie à l’ombre de la lâcheté masculine.
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Borgo de Stéphane Demoustier
Sous le soleil corse, une surveillante pénitentiaire venue du continent se retrouve piégée au cœur d’un dangereux engrenage, à la fois protégée et exposée par ses détenus… La recherche d’une impossible vérité façonne la filmo de Stéphane Demoustier. Elle habite plus que jamais ce thriller carcéral, tout entier absorbé par le visage et l’âme opaque de Hafsia Herzi, dans l’un de ses meilleurs rôles.
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Vingt Dieux de Louise Courvoisier
Deuxième cru jurassien de notre sélection, ce premier film abreuvé de lumière – prix de la jeunesse Un Certain Regard à Cannes et prix Jean Vigo – raconte l’épopée fromagère d’un ado orphelin, bien décidé à remporter un concours local de fabrication de comté. Tout respire l’amour (sans idéalisme ni mièvrerie) dans le regard que Louise Courvoisier porte sur cette jeunesse oubliée, qui renoue avec le monde par le travail manuel.
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La Déposition de Claudia Marschal
À partir de l’enregistrement sonore du dépôt de plainte de son cousin Emmanuel, agressé sexuellement par un prêtre pendant son adolescence, Claude Marschal dénoue un secret verrouillé. Assumant un dispositif de mise en scène sophistiqué (une reconstitution, la mobilisation d’archives Super 8), la réalisatrice autopsie le mécanisme d’emprise et de silenciation. Incontournable.
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Emilia Perez de Jacques Audiard
Le cinéaste français, rodé aux récits virils, a déjoué toutes nos attentes avec cette comédie musicalecamp sur la transition d’une narcotrafiquante mexicaine (Karla Sofía Gascón) qui trouve sa beauté dans une forme d’imperfection composite, entre un mélo à l’Almodóvar et Les Parapluies de Cherbourg. Le film représentera la France en mars prochain dans la catégorie du meilleur film étranger. Longue vie à lui.
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Eat The Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel
Pour leur deuxième long métrage, le tandem Caroline Poggi-Jonathan Vinel réalise un thriller et mélo hybride, naviguant entre l’asphalte d’une zone industrielle du Havre et la féerie gothique d’un jeu vidéo prêt à disparaître, avec trois héros qui font bloc contre la violence du monde. Une élégie traversée par un fulgurant désir d’insurrection et de cinéma, qui dit aussi toute l’importance de la communauté, des familles choisies.
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Anhell69 de Theo Montoya
Élégie pour une jeunesse queer violentée en Colombie, ce sublime documentaire hybride et hanté est comme le film-tombeau du réalisateur Theo Montoya pour ses amis, morts les uns après les autres alors qu’ils préparaient ensemble un film dystopique. Le cinéaste les figure à travers des ombres aux yeux rouges, des esprits agités évoluant dans des limbes aux airs de ruines où s’inventent des raves clandestines, bouillonnant d’une colère prête à imploser.
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Jeunesse (Le Printemps) de Wang Bing
Ce documentaire met en lumière un regard puissamment politique sur une Chine en forme de grande usine mondialisée. Dans des ateliers consacrés à la confection textile, le cinéaste infiltre les coulisses du capitalisme hardcore chinois. L’expérience est viscérale, nauséeuse, rythmée par l’épuisant ronronnement des machines à coudre. Et pourtant jamais Wang Bing ne cède à une dénonciation nihiliste. C’est là son idée lumineuse : révéler ce qui résiste encore à l’asservissement, ce qui frémit encore dans les cœurs.
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Le Mal n’existe pas de Ryūsuke Hamaguchi
Fort d’une reconnaissance internationale depuis Drive My Car (2021), le cinéaste japonais frappe à nouveau avec une fable éblouissante sur un village rural confronté à la cupidité d’investisseurs venus de Tokyo, qui présentent aux habitants leur projet de « camping glamour ». Au didactisme narratif, Hamaguchi préfère une poétique de l’instant – le film s’inscrit pourtant dans une filiation militante, qui mesure avec force l’incommunicabilité grandissante entre deux visions du monde.
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Se souvenir d’une ville de Jean-Gabriel Périot
Après s’être inspiré de l’ouvrage Retour à Reims de Didier Eribon, Jean-Gabriel Périot se penche sur la guerre de Bosnie en retravaillant les films amateurs réalisés par de jeunes cinéastes lors du siège de Sarajevo (1992-1996). Un matériel mémoriel que le documentariste confronte intelligemment au présent en retrouvant, trente ans après, ces réalisateurs – manière de souligner l’importance historique et mémorielle que représentent les films amateurs en temps de guerre.
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Viêt and Nam de Truong Minh Quý
Le cinéaste vietnamien plonge dans l’histoire traumatique de son pays en mettant en scène une romance queer d’une grande poésie. À travers Viêt et Nam, deux jeunes hommes de 2001 qui travaillent dans une mine de charbon et essayent de vivre tant bien que mal leur histoire d’amour, le réalisateur déploie des enjeux actuels – homophobie, pauvreté, émigration… La sélection du film dans la section Un certain regard du Festival de Cannes 2024 a transformé Truong Minh Quý en porte-étendard d’un nouveau cinéma d’auteur vietnamien.
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Les Reines du drame d’Alexis Langlois
Folle love story à travers les âges entre deux chanteuses de télécrochet aux styles opposés (Gio Venturaet Louiza Aura, magnétiques), la comédie musicale d’Alexis Langlois réconcilie les âmes et console les cœurs brisés en mêlant références ciné pointues et pop-culture, sur une B.O. criblée de bangers (dont le déjà mythique « Pas touche ») signés Yelle et Rebeka Warrior. Un grand film lesbien et une fiévreuse déclaration aux divas oubliées.
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May December de Todd Haynes
Génialement insidieux et totalement drama, Todd Haynes continue d’explorer les psychés de femmes fucked up, et cette fois aussi celle d’un homme à l’enfance volée. Dans une ambiance feutrée, May December avance aussi masqué que ses actrices (les démentes Julianne Moore et Natalie Portman) pour illustrer une terrible violence contenue, qui n’explose que dans la partition de Michel Legrand.
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Orlando, ma biographie politique de Paul B. Preciado
Avec ce premier film punk irrigué par plusieurs voix trans et non binaires, le philosophe et écrivain Paul B. Preciado adresse une missive enflammée à « fucking Virginia Woolf », autrice d’Orlando, chef d’œuvre publié en 1928 ou la biographie imaginaire d’un Lord qui, en plus de 300 ans d’existence, a vécu sous les traits d’un homme, puis d’une femme. Une merveilleuse épopée sur la transition de genre.
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Iron Claw de Sean Durkin
Le réalisateur canadien Sean Durkin s’attaque à une nouvelle figure de patriarche autoritaire, Jack Von Erich, qui a fait de ses quatre fils des stars du catch américain pendant les années 1980. Une histoire vraie dans laquelle Durkin met en scène l’humiliation et la disparition d’une famille frappée de plein fouet par la folie d’une masculinité poussée à l’extrême.
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Le Dernier des Juifs de Noé Debré
Le premier long métrage du scénariste de Dheepan et Parlement avance habilement sur le terrain miné de l’identité en racontant l’histoire de Bellisha (génial Michael Zindel), jeune Juif confronté au départ de sa communauté en banlieue et à la maladie de sa mère. Une comédie très fine, qui évite les leçons de morale et fait le pont entre des sujets aussi éloignés que le chanteur Enrico Macias et le philosophe Jacques Derrida.
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Anora de Sean Baker
Palme d’or au Festival de Cannes, le dernier film du trublion Sean Baker suit le destin tragi-comique d’une strip-teaseuse new-yorkaise (géniale Mikey Madison) qui, après avoir rencontré le fils d’un oligarque russe, pense avoir touché le gros lot. Manque de chance, l’amour ici n’est finalement qu’une histoire d’argent. Un extraordinaire et délirant conte de fée qui vire au drame.
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Les Fantômes de Jonathan Millet
Venu du documentaire, Jonathan Millet embrasse pour la première fois la fiction avec ce très beau film hanté sur l’exil du jeune Hamid (époustouflant Adam Bessa) qui tente de retrouver son geôlier de la prison militaire de Saidnaya en Syrie. Un film comme une traque, qui impressionne par son rythme d’une implacable précision, rongé par de terribles souvenirs.
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Septembre sans attendre de Jonás Trueba
Ensemble depuis quatorze ans, Alex, comédien, et, Ale, réalisatrice (incarnée par la toujours lumineuse Itsaso Arana), ont fait le choix de se séparer et de célébrer la fin de leur amour dans une grande fête qu’ils annoncent progressivement à leurs proches. Une recherche utopique imaginée par Jonás Trueba, chantre de la nouvelle garde du cinéma espagnol qui sait écouter, avec tendresse, l’arythmie d’un amour qui s’en va.
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À son image de Thierry de Peretti
Épousant le parcours d’une jeune photographe de presse corse tombée amoureuse d’un militant nationaliste radical, le nouveau long métrage de Thierry de Peretti est un film précis et soigné, hanté par la colère d’une jeunesse révoltée. Un récit à la fois doux et électrisant, au sens aigu du cadrage, qui retrace l’histoire brûlante de l’île de Beauté à la fin du xxème siècle.
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La Bête de Bertrand Bonello
Adaptation de La Bête dans la jungle d’Henry James, ce récit de science-fiction convoque toute la grammaire du cinéma au travers les différentes époques et vies antérieures dans lesquelles replonge le personnage de Gabrielle, interprété par Léa Seydoux. Un voyage lynchien déroutant entre le Paris futuriste de 2044, celui pas si lointain du début des années 2000 et celui de la Belle Époque.
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Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
En zoomant sur le quotidien d’une famille, le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, qui a fui son pays, raconte le mouvement de révolte « Femme, vie, liberté », soulèvement ayant eu lieu à la suite de la mort de l’étudiante Mahsa Amini après son arrestation par la police des mœurs. Une fresque puissante et sublime qui examine la censure et les persécutions du régime iranien avec un réalisme stupéfiant.
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Une famille de Christine Angot
Le puissant documentaire de Christine Angot nous a laissés sidérés. Pour son premier passage derrière la caméra, la romancière creuse les non-dits, pose des mots nécessaires sur des silences destructeurs et obstructifs. Elle examine comment sa famille est à la fois fracturée et reliée par la violence de l’inceste qu’elle a subi dans sa jeunesse. Dans le sillage d’une libération de la parole, ce film à la mise en scène limpide apporte une pierre à cet immense édifice politique, social et sociétal qui est encore à construire.
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Le Procès du chien de Laetitia Dosch
Dans sa géniale comédie canine – et son premier long comme réalisatrice –, Lætitia Dosch pousse l’absurde en imaginant un procès au cours duquel un chien est jugé comme un humain pour avoir mordu une femme, convoquant ainsi des questions vertigineuses : un chien peut-il être misogyne ? Un animal est-il justiciable ? Comment se situer par rapport à l’anthropomorphisme ? Une chose est sûre : on a mordu dans l’os.
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Noël à Miller’s Point de Tyler Taormina
Le réalisateur du déjà génial Ham on Rye (2021) nous invite à un cérémonial kitsch jouissif, qui se laisse doucement gagner par une mélancolie bleutée. Dans le cadre serré de la photo, une grande famille de Long Island qui fête le réveillon de Noël. Taormina explore avec une créativité formelle frappante les fossés intergénérationnels – et prouve que le cinéma indépendant américain en a encore dans le ventre. Un pur plaisir de fin d’année, délicieusement régressif, à découvrir en salles à partir du 11 décembre.
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Love Lies Bleeding de Rose Glass
Après son premier long métrage Saint Maud, petit phénomène du film d’horreur sorti en 2019, la Britannique Rose Glass met les bouchées triples avec ce délirant film noir lesbien et gore qui plonge Kristen Stewart dans la peau d’une redneck raide dingue d’une bodybuildeuse hyper sexy (la révélation Katy O’Brian).
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La Belle de Gaza de Yolande Zauberman
Dans ce sublime documentaire, troisième volet d’une trilogie sur Tel Aviv la nuit, la cinéaste (Classified People, 1988 ; M, 2019) part sur les traces d’une femme trans qui aurait fait le trajet de Gaza à Tel-Aviv à pied. Cette légende est le point de départ d’une odyssée nocturne dans les rues cachées de la communauté queer d’Israël. Tourné avant le 7 octobre, le film restitue la beauté quasi irréelle de ce monde sans frontière.
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État limite de Nicolas Peduzzi
Après l’Amérique malade du très beau Ghost Song (2022), le cinéaste s’intéresse cette fois aux maux de l’hôpital public français, dans ce documentaire qui questionne avec inventivité la place des personnes atteintes de troubles mentaux dans nos sociétés. Il visite le service psychiatrique de l’hôpital Beaujon de Clichy, l’un des plus démunis, et le sonde comme un vaisseau nécrosé de l’intérieur. En résulte un récit dense et passionnant sur une société à bout de souffle.
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Bye Bye Tibériade de Lina Soualem
Avec Leur Algérie, son premier documentaire sorti en 2021, Lina Soualem regardait du côté du père (l’acteur Zinedine Soualem) et de ses grands-parents algériens exilés en France. Avec le magnifique et mélancolique Bye Bye Tibériade, elle se tourne du côté de la mère, l’actrice Hiam Abbass, et des générations de femmes palestiniennes de sa famille. Traversé par la peur de la disparition – celle des récits familiaux comme celle du territoire –, ce film dresse surtout le portrait de femmes fortes, prises dans la tourmente de l’histoire.
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Carla et moi de Nathan Silver
Le cinéaste américain, trop peu connu en France, signe un film tendre, très personnel et vintage, dans lequel il raconte les retrouvailles réparatrices entre le chantre Ben (Jason Schwartzman), chargé d’initier ses élèves juifs à la religion, et son ancienne prof de musique, Carla (parfaite Carol Kane), alors qu’ils sont tous les deux veufs. Une histoire de fantômes et de transmission tout en décalages paradoxalement très contrôlés.
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Ernest Cole, photographe de Raoul Peck
Toujours aussi précis et malin, le cinéaste haïtien signe un portrait documentaire très fort, consacré au photographe sud-africain Ernest Cole, récompensé par l’Œil d’or au dernier Festival de Cannes. Le film se penche sur l’immense travail photographique de ce dernier, disparu en 1990 à New York dans le dénuement. Tout en faisant revivre ces archives, il pointe un racisme toujours tenace aux Etats-Unis. Et se fait le lieu d’une rencontre entre ces deux artistes têtus, engagés, passionnants que sont Peck et Cole.
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