Nicolas Medy, cinéaste

Cette semaine, on vous présente un cinéaste prometteur à l’univers baroque et décadent.


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GEn.A : c’est la génération engagée qui invente le monde d’après. Chaque semaine, Trois Couleurs part à sa rencontre pour tirer le portrait de jeunes artistes résistant.e.s, passionnant.e.s, exalté.e.s. Cette semaine, on parle avec Nicolas Medy, cinéaste.

Si on entendait son nom glisser de bouche en bouche dans le milieu de la cinéphilie underground depuis quelque temps, c’est avec le clip délicieusement gothique du morceau « Auf Wiedersehen » de Mansfield.TYA, sorti l’an dernier, qu’on a compris la hype qui montait autour de Nicolas Medy.

Goûtant (comme nous) les esthétiques romantico-kitsch à l’ancienne, le ténébreux Parisien né de parents tunisiens et guadeloupéens a deux premiers films à son actif : la vidéo Bientôt le feu et le court-métrage libertin, poétique et politique Soleils Bruns, en 2017 et 2018, qui ont été peu montrés mais qui lui ont permis d’oser se lancer (lire ci-dessous son « déclic »).

u.r. trax, DJ

Car lui qui ne vient pas d’une famille cinéphile ne s’imaginait pas devenir réalisateur. Il s’adonne pourtant aux arts depuis l’adolescence : dessin, bande dessinée, conservatoire et chant choral, puis la photographie : « Des portraits de mes copines au lycée d’abord puis des photos d’espaces urbains. D’un côté, les maquillages et les costumes romantiques, de l’autre la rigueur d’ensembles architecturaux plus contemporains. A l’époque, je le vivais comme un conflit et c’est le cinéma qui m’a permis de faire la synthèse entre tout ça, inspiré par des réalisateurs comme Derek Jarman. »

Nicolas Medy vient de finir un beau deuxième court, Nuit de Chine, sorte de journal intime onirique empreint de spleen, et s’apprête à tourner mi-juin le prochain clip de Mansfield.TYA, « L’Aqua Fresca », « hommage à Chant d’amour de Genet en un peu plus heroic fantasy ». Pour nous, c’est un grand « oui ».

Marie Rouge, photographe

LE DÉCLIC :

 » En 2014 en parallèle de mes photos, j’ai commencé à filmer mon quartier, le XIIIe, avec une caméra de famille mini DV. Ça a duré près de trois ans sans que je sache ce que j’allais en faire. J’ai arrêté mes études d’histoire pour m’inscrire en master de cinéma documentaire. C’est à peu près à ce moment que j’ai commencé à « m’éveiller » politiquement et c’est ce qui m’a conduit à m’intéresser au cinéma et à la littérature « noire », queer et féministe notamment.

J’ai découvert au même moment Marlon Riggs, Julie Dash, Essex Hemphill, Euzhan Palcy, Isaac Julien, James Baldwin, bell hooks, Djibril Diop Mambéty, Ousmane Sembene. Ils ont en commun qu’ils m’ont donné envie de faire du cinéma. J’ai acheté une caméra Bolex 16mm, j’ai appris à m’en servir, j’ai emprunté le reste du matériel à la fac et j’ai réalisé à l’arrache une première vidéo, Bientôt le feu, (2016) d’après un vers du poète Essex Hemphill, pour la première exposition d’un collectif artistique et féministe.

J’y ai rencontré mes premiers producteurs qui m’ont proposé de réaliser un court de fiction, Soleils bruns. Entre temps, je m’étais passionné pour le cinéma de genre et notamment les films de vampire lesbiens qui m’ont mis sur la piste du scénario. Dans mon dernier film, Nuit de Chine, j’ai pu intégrer, enfin, les images DV que j’ai filmées il y’a sept ans. »

Tallulah Cassavetti, actrice et artiste

LE FILM QUI L’INSPIRE :

« Je n’ai pas vraiment de films de chevet puisqu’à chaque fois que j’écris je m’entoure de nouveaux films pour aller dans le sens de ce que je cherche. Ça crée comme des cartes, des archipels de films fétiches dans ma tête. Il y a ceux qui sont présents sur toutes les cartes et il y’a les autres de passage. Là pour un clip que je prépare j’ai vu Le petit matin de Jean Gabriel Albicocco, avec Catherine Jourdan, Matthieu Carrière et Madeleine Robinson. 

Ça m’a amusé parce que ce sont trois acteurs qui ont tourné dans trois films qui m’ont marqué : Zoo Zéro d’Alain Fleischer, Malina de Werner Schroeter et Corps à cœur de Paul Vecchiali. L’image est folle, avec un jaune torride qui va et vient et Catherine Jourdan qui à chaque apparition remplit un peu plus le cadre de drame. Et la musique de Francis Lai, ça m’a fauché ! »

 

Son Instagram : @medy_nicolas