Trois films trop méconnus que tu aimerais faire découvrir ?
Poussière dans le vent de Hou Hsiao-hsien. Ça raconte le parcours d’un jeune garçon qui quitte son petit village de montagne pour aller dans la grande ville de Taipei et qui s’engage dans l’armée. Comme mon premier long métrage, que je suis en train de préparer, ce film interroge avec une grande délicatesse la manière dont on ne peut échapper à ses racines. Ensuite, Cérémonie secrète de Joseph Losey. C’est grotesque, mais dans le bon sens du terme : les couleurs sont sursaturées et Elizabeth Taylor, alors assez âgée, ressemble à une héroïne de Rainer Werner Fassbinder. Enfin, Simone Barbès ou la Vertu de Marie-Claude Treilhou. C’est Yann Gonzalez qui m’a demandé de le regarder afin que je m’en inspire pour mon rôle dans son prochain film, Un couteau dans le cœur. Le temps d’une nuit, on y suit les atermoiements amoureux d’une ouvreuse de cinéma porno. C’est très dialogué, un peu façon Rivette.
Trois réalisateurs avec qui tu aimerais travailler ?
Lars von Trier, Michael Haneke et Noah Baumbach.
Trois films qui saisissent les tourments de l’amour aussi bien que Marivaux ?
Mademoiselle de Park Chan-wook. C’est du Marivaux sauce coréenne. Il y a le même ordre apparent derrière lequel se cache une folie douce. C’est un film que j’ai adoré sur le thème des maîtres et des servants. A Dangerous Method de David Cronenberg. Même si à l’époque de Marivaux on ne parlait pas encore de psychanalyse, je trouve que l’inconscient des personnages y est vraiment mis à mal. L’Amour fou de Jacques Rivette. Bulle Ogier et Jean-Pierre Kalfon répètent une pièce et vivent des choses inattendues à travers un texte écrit par un autre. C’est exactement ce que je traverse en ce moment au théâtre.
Décris-toi en trois personnages de fiction.
Louise dans Madame de… de Max Ophuls, pour ma façon d’aborder l’amour – c’est toujours une zone d’incertitude totale, mais c’est un feu aussi. Comme ce personnage, je fais souvent passer des sortes de tests à la personne aimée. Sue dans Sue perdue dans Manhattan d’Amos Kollek. C’est une femme qui erre dans sa ville pour observer le monde – je suis assez dans la contemplation et j’aime bien engager des conversations qui m’emmènent là où je n’avais pas prévu d’aller. Et peut-être Louis de Pointe du Lac dans Entretien avec un vampire de Neil Jordan. Il doit décider ou non d’être un vampire, d’être emmené dans un monde parallèle. C’est un peu moi à l’adolescence quand j’ai dû choisir le métier de comédien. Et puis je suis fasciné par la figure du vampire.
« Le Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux, mis en scène par Catherine Hiegel
à partir du 16 janvier au Théâtre de la porte Saint-Martin