Produit de la tension ambiante, le personnage du vigilante (un citoyen décidant seul, hors du cadre de la loi, d’exercer une justice expéditive) s’impose dans le cinéma, du western au polar en passant par la blaxploitation. Après Clint Eastwood, qui règle ses comptes dans L’Homme des hautes plaines (1973) et le premier Dirty Harry (1972), Charles Bronson devient le visage de ce nouveau (anti)héros symbole d’un idéal de justice perverti avec les emblématiques Mr. Majestyk et Un justicier dans la ville, tous deux sortis en 1974. Moins controversé que ce dernier, dont il est le pendant rural, Mr. Majestyk conte l’histoire d’un honnête cultivateur de pastèques qui se retrouve pris en tenaille entre les voyous locaux et un tueur professionnel, Frank Renda (Al Lettieri), dont il a eu le malheur de croiser la route. Richard Fleischer prend le parti de faire monter lentement la pression, adoptant le rythme flegmatique de son personnage et ne recourant à la violence que par soudaines déflagrations. Il faut ainsi attendre les trois quarts du film pour que le basculement s’opère, lors d’une scène de poursuite dans les sublimes paysages du Colorado au cours de laquelle Majestyk utilise la ruse pour séparer puis éliminer ses poursuivants ; un ballet sauvage de tôle froissée et de poussière soulevée défiant les lois de la mécanique qui s’achève lorsque la dernière voiture de tueurs s’engouffre dans un tunnel. Un plan haletant les plonge dans le noir : à l’autre bout, le rond de lumière annonce leur défaite. « C’est son terrain de chasse. Il nous a amenés ici », comprend, un peu tard, Renda. Le chasseur est devenu la proie. Tout rentrera bientôt dans l’ordre (et la morale ?), sur un dernier coup de fusil à pompe.
de Richard Fleischer
En DVD/Blu-ray (Wild Side)