« S’il s’applique à creuser une œuvre, il en regarde si attentivement la forme extérieure qu’il en perd vite le sens. »(Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale)
Je me suis inspiré d’une pièce de théâtre espagnole de Juan Mayorga, Le Garçon du dernier rang, qui n’évoquait pas du tout Flaubert. J’ai choisi de lui donner une place parce qu’il me semble avoir une écriture très cinématographique. Il est très behavioriste, il décrit des comportements, c’est un modèle de conteur. En revanche je n’ai jamais lu L’Éducation sentimentale ! Mais j’aime savoir qu’il me reste des chefs-d’œuvre à découvrir.
« Ce qui est rare, c’est de s’approcher au plus près des personnages. »(Germain dans Dans la maison)
C’est très important de réussir à incarner et c’est autant le travail du comédien que du metteur en scène. Pour Germain, je savais que ce devait être Fabrice Luchini. Et j’avais l’intuition qu’il fonctionnerait bien avec Kristin Scott Thomas (Jeanne – ndlr). Je ne me suis pas trompé, d’ailleurs la plupart de leurs scènes sont des plans-séquences : je n’ai pas eu besoin de découper car le rythme est là. Pour le rôle de Claude, j’ai dû élargir le casting à des garçons plus âgés. Ernst Umhauer a 22 ans. J’ai senti qu’il y avait beaucoup de connexions entre lui et le personnage. Il a déjà beaucoup vécu, il est arrivé avec une maturité qui tranche avec son physique angélique.
« La littérature ne nous apprend rien, l’art ne nous apprend rien. »(Jeanne, la femme de Germain, dans Dans la maison)
Le personnage de Claude va faire exploser ce couple d’intellos en crise professionnelle. Jeanne est confrontée au côté marchand de l’art et Germain n’est plus en phase avec ses élèves. Mais je ne suis pas du tout d’accord avec cette phrase ! Je pense que la littérature nous aide à vivre. À la fin du film, Claude et Germain se retrouvent même condamnés à ne vivre que par la fiction, sûrement parce qu’ils sont inadaptés au réel.
« Si c’est invraisemblable, ça ne vaut rien, même si c’est vrai. »(Germain dans Dans la maison)
Ce qui m’intéressait, c’était que Germain, déstabilisé par Claude, débite plein de généralités plus ou moins vraies sur l’écriture. De son côté, l’élève va au-delà des désirs de son professeur. Mais pour moi, tout ce qui arrive est vrai. Comme je pense que les rêves font partie de la réalité. Je tourne toutes les scènes comme si elles avaient lieu. Au spectateur de se débrouiller. Il fallait le faire rentrer dans la maison avec Claude, qu’il projette ses désirs, qu’il se noie dans le processus de création, tout comme Germain.
« On dirait du Barbara Cartland ! »(Germain dans Dans la maison)
Au début, Claude est cynique, notamment vis-à-vis de Rapha père. Ensuite, il devient acteur de sa propre fiction, il n’a plus du tout de recul, alors que Germain reste spectateur et trouve ça mélo. Je voulais observer quelqu’un qui cherche son style. C’était assez amusant de tourner les mêmes scènes de façon différente. Denis Ménochet (Rafa père – ndlr) commence par jouer comme dans une comédie américaine, puis de façon beaucoup plus sobre. Quand on invente une histoire, toutes les hypothèses sont possibles. Je voulais mettre le spectateur au cœur de cette jouissance de la création.
« Tu confonds trop tes désirs avec l’histoire. »(Germain dans Dans la maison)
Les désirs de Claude sont incontrôlables, transgressifs. Ça faisait longtemps que je n’avais pas filmé un ado. J’avais envie de me retourner sur cette période avec distance. D’ailleurs, mon prochain film sera centré sur une jeune fille de seize ans. En quelque sorte, le pendant féminin de ce film-là.
Dans la maison de François Ozon (1h45)
avec : Fabrice Luchini, Ernst Umhauer…
sortie : 10 octobre