Monrovia, Indiana

Après plusieurs films urbains (At Berkeley, In Jackson Heights, Ex Libris. The New York Public Library), le prolifique Frederick Wiseman est allé prendre le pouls de Monrovia, commune agricole de l’Indiana. Du haut de ses 89 ans, l’éminent documentariste complète en toute maîtrise son portrait tentaculaire de l’Amérique. Monrovia, Indiana s’ouvre sur une succession de terres agricoles qui


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Après plusieurs films urbains (At Berkeley, In Jackson Heights, Ex Libris. The New York Public Library), le prolifique Frederick Wiseman est allé prendre le pouls de Monrovia, commune agricole de l’Indiana. Du haut de ses 89 ans, l’éminent documentariste complète en toute maîtrise son portrait tentaculaire de l’Amérique.

Monrovia, Indiana s’ouvre sur une succession de terres agricoles qui contrastent avec l’urbanité grouillante du dernier film de Frederick Wiseman, Ex Libris. En dépit de l’apparente opposition entre les bibliothèques new-yorkaises et les exploitations bovines de l’Indiana, le cinéaste américain, toujours guidé par l’envie de synthétiser un lieu et ses rouages en un seul et même film, continue de façonner une œuvre d’une indéniable cohérence, depuis son premier long métrage, Titicut Follies, il y a plus de cinquante ans. Dans cette radiographie de la ruralité à Monrovia, le documentariste chevronné dresse une imposante mosaïque composée d’une multitude de plans et de situations hétérogènes. Avec une attention particulière portée à l’expression collective de la citoyenneté locale, Monrovia, Indiana révèle les soubresauts socioculturels contenus au sein des réunions associatives, des petits commerces, des clubs sportifs ou des cérémonies religieuses de la petite ville.

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Monrovia Indiana de Frederick Wiseman
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L’Amérique profonde sans fard

Contre toute attente, Wiseman est aussi parvenu à réaliser un film sur l’Amérique rurale d’aujourd’hui sans que jamais ne soit cité le nom de son nouveau président; le cinéaste montre cette frange du pays sans fard (blanche, portée sur la religion, la famille, le travail et la consommation) mais surtout sans une once de condescendance, ne répétant aucun lieu commun sur cette fameuse Amérique de Trump qui nourrit tant de fantasmes. Au-delà de cet exploit, la belle idée du film réside dans la présence souterraine d’une inquiétude commune et persistante, la perte hantant cette communauté d’environ un millier d’habitants. Que ce soit la grande tribulation – la fin des temps selon les chrétiens – évoquée au début du film ou l’amputation de la queue d’un chien sur la table d’opération d’un vétérinaire, Monrovia, Indiana semble ainsi habité par la peur d’une disparition imminente. Implacablement, celle-ci surgira dans les dernières minutes bouleversantes du film, qui résonnent avec les derniers plans de Belfast, Maine, sorti en 1999. Le drame s’y mue alors en apaisement salvateur : l’enterrement d’une habitante de la ville s’accompagne de son ancrage définitif dans la terre même de Monrovia, où elle demeurera à jamais parmi les siens.

Monrovia, Indiana de Frederick Wiseman Météore Films (2h23). Sortie le 24 avril

Monrovia, Indiana de Frederick Wiseman Météore Films (2h23). Sortie le 24 avril