Dans la saison 2 de cette série produite et partiellement réalisée par David Fincher, les serial killers renvoient les profileurs à leurs propres faiblesses. La série, toujours aussi finement introspective, prend aussi un tournant plus social.
David Fincher a toujours eu un penchant pour les esprits hors-normes. Fidèle à sa réputation, il adaptait en 2017 pour Netflix un essai de John E. Douglas, agent du FBI ayant imaginé les fondements du profilage criminel, et créé dans les années 1970 une unité comportementale dédiée à interroger des tueurs en série. Dans cette deuxième saison, les serial killers deviennent un miroir déformant de la psyché des enquêteurs. Confronté à un tueur en série qui s’attaque à des enfants noirs à Atlanta, Holden Ford (Jonathan Groff), jeune prodige à l’instinct infaillible, perd les pieds, tandis que la psychologue Wendy Carr (Anna Torv) remet en cause ses méthodes face aux récidivistes qu’elle interroge, et que Bill Tench (Holt McCallany) affronte un événement sordide impliquant son fils.
SOMBRES RECOINS
Comme souvent chez Fincher, les personnages sont doubles. Ici, les enquêteurs dissimulent autant de secrets que ceux qu’ils traquent, et les réalisateurs (David Fincher pour les trois premiers épisodes, relayé ensuite par Andrew Dominik et Carl Franklin) cherchent à percer leurs failles à coups de plans furtifs – un regard hors-champ inquiet de Ford, une posture en retrait de Wendy, des silences perçant le flot des interrogatoires. Dans ce jeu de cache-cache éprouvant entre profileurs et tueurs, les masques tombent et le moindre détail sonore ou visuel déclenche un suspense latent, les récits de meurtres se muent en scènes d’action où la parole fuse comme une arme tranchante. Repoussée hors-champ grâce à un découpage minimaliste et des jeux de flous, l’horreur s’enracine insidieusement dans l’esprit du spectateur.
ÉTAT DES LIEUX
Surtout, à travers l’affaire des infanticides d’Alabama, que Ford et Tench tentent de résoudre lors d’un road-trip crépusculaire et moite, les épisodes progressent vers une trame de plus en plus politique et sociale. Ce voyage poisseux à travers le Sud raciste est l’occasion pour la série de diagnostiquer une société américaine malade et inégalitaire, qui a engendré seule ses propres monstres. Mindhunter a trouvé sa voie, au croisement d’enjeux politiques et d’errances intérieures sinueuses.