« Manas » :  un subtil film dans les limbes de l’adolescence

Avec sa première fiction forte et délicate, située en plein cœur de la forêt amazonienne, la Brésilienne Marianna Brennand, déjà autrice de documentaires (« O Coco, A Roda, O Pnêu O Farol », 2007), figure avec une juste distance l’isolement d’une ado abusée.


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Manas

C’est un sentiment d’inextricabilité qui domine dans ce film situé dans une nature ensoleillée et luxuriante. L’héroïne, Marcielle, 13 ans (l’incroyable Jamili Corréa) vit sur l’île brésilienne de Marajo avec sa famille – ses journées sont rythmées par l’arrivée de grands bateaux de pêche au large, et par ses rêves d’ado : elle aimerait faire la fête avec ses amies, suivre aussi l’exemple de sa grande sœur partie vivre sa vie ailleurs.

Posé ce cadre faussement idyllique, Marianna Brennand joue du hors-champ pour faire advenir la violence qui touche Marcielle et, plus largement, les filles de son âge – le film s’appuie sur dix ans de recherches de la part de la réalisatrice sur l’exploitation sexuelle de jeunes filles par des marins de passage sur les barges traversant le Rio Japurá.

Par exemple, avec les informations vagues qui lui sont données, le départ de la sœur pose question au spectateur : fuyait-elle quelque chose ? De même, l’inceste commis par le père de Marcielle est suggéré par un plan rapproché suffocant où il lui apprend à tirer à la carabine, haletant de son souffle obscène. L’ado recherche de l’aide mais se heurte au manque d’écoute, au déni, notamment celui de sa mère.

Ne choisissant jamais le sensationnalisme Marianna Brennand préfère étudier les structures sociales amplifiant la brutalité subie par Marcielle, ce qui rend le film bien plus frappant.

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: Manas de Marianna Brennand (1h41), Bodega Films, sortie le 26 mars