« Lux AEterna », le nouveau cauchemar abstrait de Gaspar Noé

Après Climax, Gaspar Noé revient avec le chaotique Lux Aeterna, plongeant Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg dans un film-rituel invoquant tous les mauvais esprits du cinéma. Sur le tournage ombrageux d’un film de sorcières, la metteuse en scène Béatrice Dalle et son actrice Charlotte Gainsbourg prennent une pause pour une conversation complice autour de leurs


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Après Climax, Gaspar Noé revient avec le chaotique Lux Aeterna, plongeant Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg dans un film-rituel invoquant tous les mauvais esprits du cinéma.

Sur le tournage ombrageux d’un film de sorcières, la metteuse en scène Béatrice Dalle et son actrice Charlotte Gainsbourg prennent une pause pour une conversation complice autour de leurs rapports aux hommes sur les plateaux: Gainsbourg partage le souvenir gênant d’une scène d’amour qui a mal tourné (les spectateurs s’empresseront d’aller fouiller sa filmo pour trouver qui était cet ado de 16 ans tout émoustillé), Dalle se remémore la fois où, pour une scène, elle a dû s’exposer nue devant des dizaines de garçons qui la dévoraient du regard.

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On n’attendait pas Noé sur ce registre: en filmant ces confessions très drôles (Dalle improvise avec son bagout habituel), le cinéaste souvent accusé de misogynie questionne les rapports de genre dans le milieu de cinéma. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’il investit le film d’horreur: Dalle est une réalisatrice contestée par les techniciens peuplant le plateau de tournage, qui la décrivent comme incapable de tenir la boutique parce que trop brouillonne, survoltée, voire hystérique. Tant qu’à faire, Noé va donc faire d’elle une vraie sorcière, figure féministe de puissance et de rébellion.

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Des forces noires et surnaturelles s’invitent donc sur le tournage de la vengeresse Béatrice. Un dispositif en split-screen (rappelant celui de The Chelsea Girls d’Andy Warhol) vient intensifier le chaos qui régnait déjà sur le tournage : à divers endroits du studio qui apparaissent simultanément à l’écran, les conversations rageuses se superposent dans une cacophonie oppressante, les mouvements de caméras se font brusques et hasardeux. Charlotte Gainsbourg reçoit soudain un coup de téléphone incompréhensible de sa fille et l’on comprend qu’elle a peut-être été mutilée.

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A la manière d’un Kenneth Anger qui invoquait Lucifer à travers son film Invocation Of My Demon Brother, Noé à travers Dalle appelle les esprits des cinéastes qui ont théorisé la violence des tournages – Godard, Fassbinder, Dreyer… – à coups de panneaux-citations qui apparaissent comme des blasphèmes anticonformistes. L’horreur se pointe de manière impromptue alors que Charlotte Gainsbourg tourne une séquence attachée sur un bûcher. Sans crier gare, l’abstraction envahit l’image et finit par l’embraser. Comme dans un flicker movie du cinéaste expérimental Paul Sharits, des pulsations lumineuses et multicolores s’enchaînent à une vitesse démente, jusqu’à nous faire détourner le regard, comme si on avait vu le démon.

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Lux Æterna, de Gaspar Noé. Hors compétition. Date de sortie en attente.
Droits images: Gaspar Noé