Intrépide cinéaste russe auteur ces dernières années d’une prolifique filmographie (Leto, La Fièvre de Petrov, La Femme de Tchaïkovski), Kirill Serebrennikov n’a pas choisi la facilité en adaptant le roman d’Emmanuel Carrère relatant les mille vies d’Édouard Limonov, écrivain tour à tour soviétique, français puis russe, décédé en 2020. Présenté successivement comme voyou, dandy, majordome ou agitateur politique, Limonov a vécu dans l’U.R.S.S. des années 1960, le New York des années 1970 et le Paris des années 1980 avant de créer, en 1993, le Parti national-bolchevique, précurseur du néofascisme russe.
Pour évoquer ces diverses mutations et contradictions, Serebrennikov propose une œuvre pleine de bruit et de fureur qui ressemble à une bande dessinée frénétique dans laquelle Limonov, incarné par l’épatant Ben Whishaw, change de looks et d’humeurs au gré des décennies. Les images en noir et blanc alternent avec des plans colorés dignes d’un polar urbain américain, et les idées de montage apparaîssent au fil du temps aussi saisissantes que la figure de Limonov se révèle effrayante. Avec ce récit-caméléon qui passe de la poésie à la guerre, le cinéaste raconte aussi l’histoire d’un personnage qui se met à détester le monde à la suite de la perte de son amour. Et la trajectoire de Limonov de retranscrire à sa manière les violences de notre XXI siècle naissant.
Limonov, la ballade de Kirill Serebrennikov, sortie le 4 décembre, Pathé (2 h 18)