De Hunger (2008) à 12 Years a Slave (2014) en passant par Shame (2011), les films de Steve McQueen ont toujours eu quelque chose d’intimidant dans leur manière de dépeindre de spectaculaires chemins de croix (la faim, l’esclavage, l’addiction au sexe) avec une froideur d’esthète. Mais les âmes les moins sensibles à son dolorisme chic pourraient bien se rabibocher avec le cinéaste britannique. Dans Les Veuves, McQueen canalise son brio formel au service de l’efficacité du film de braquage. Un genre dont il respecte les codes (notamment en implantant son histoire à Chicago, ville de la corruption, du crime et du racisme, sublimée en de suaves panoramiques) tout en lui offrant un angle d’attaque contemporain : la révolte des femmes.
Adapté d’une série télévisée des années 1980 (Widows) par Gillian Flynn, l’auteure de Gone Girl, le film commence là où les autres polars finissent : avec la mort des braqueurs. Les hommes ne sont pas capables de faire le job correctement ? Au tour du sexe opposé de prendre, enfin, le relais. Si le temps du deuil existe bien dans Les Veuves, donnant lieu à de courtes respirations mélodramatiques sur fond de mélancolie soul, il laisse vite place à celui de la revanche et de l’action, explosive. Issues de milieux sociaux différents, les héroïnes (Viola Davis, Michelle Rodriguez, Elizabeth Debicki et Cynthia Erivo, superbe quatuor) vont devoir s’épauler pour se rebiffer. McQueen saisit leur émancipation d’un geste nerveux et coupant, d’autant plus irrésistible qu’il est serti d’humour noir.