« Les Proies », le beau piège de Sofia Coppola

À l’occasion de sa rediffusion sur C8 ce mardi, on vous invite à (re)découvrir cette adaptation du roman historico-claustro de Thomas Cullinan par Sofia Coppola. Un thriller étonnamment drôle, d’une beauté formelle ébouriffante.


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Dans une vaste demeure, la rigide Miss Martha (Nicole Kidman, impériale) règne sur une poignée de jeunes filles et leur institutrice (Kirsten Dunst), cloîtrées dans leur internat sudiste, alors que la guerre de Sécession fait rage depuis trois ans. Flânant dans le sous-bois qui borde la propriété, une pensionnaire tombe sur un soldat de l’Union blessé (Colin Farrell). Le groupe de femmes recueille alors le beau caporal, qui devient l’objet de tous leurs désirs.

Soupirs lascifs, regards concupiscents, sous-entendus graveleux: Sofia Coppola illustre avec beaucoup d’ironie le désir frustré qui plane dans ce gynécée et se resserre peu à peu sur le caporal alité. Mais quand celui-ci a repris des forces, il se mue soudain en vil séducteur. Si le film s’égare sur le terrain poussiéreux de la guerre des sexes à rebondissements, on se pâme devant la science des décors et des lumières (œuvre du chef opérateur français Philippe Le Sourd) déployée.

Que ce soit le jardin, jungle luxuriante et indomptable, ou la maison, éclairée à la bougie ou à la lueur du crépuscule, les espaces de ce huis clos se font tantôt cocon rassurant, tantôt piège menaçant. Depuis Virgin Suicides (1999), Sofia Coppola n’a pas son pareil pour agrémenter ses méthodiques dissections de l’ennui.

FLASH BACK — « Virgin Suicides » de Sofia Coppola a 20 ans

3 QUESTIONS à Sofia Coppola pour Les Proies

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Cette bande d’héroïnes qui portent la culotte, c’est la revanche deVirgin Suicides ?
J’aime le fait que les femmes ne soient pas des victimes, et qu’elles aient le pouvoir. Après l’adaptation de Don Siegel, j’avais envie que les femmes racontent leur version de l’histoire, de donner plus de voix aux personnages féminins.

Comment avez-vous imaginé le parc de la maison, cette nature luxuriante et inquiétante ?
On a voulu jouer sur le côté sauvage, à l’abandon, du jardin, avec ces grands arbres, cette atmosphère gothique : ces femmes n’ont plus de jardiniers, la nature reprend ses droits. Le jardin devient une métaphore de l’aspect menaçant du monde extérieur.

Comment avez-vous travaillé la lumière crépusculaire souvent baignée de brouillard ?
Avec Philippe Le Sourd, mon chef op, on s’est inspiré deTess de Polanski pour créer une atmosphère délicate, féminine, avec cette image diaphane, qui entre en contraste avec l’image plus sombre et menaçante amenée par cet homme qui arrive de la guerre.

Propos recueillis par Raphaëlle Simon.

Dans un court-métrage, Sofia Coppola filme les danseurs du New York City Ballet