Sensation du dernier Festival de Cannes, où il a obtenu le Prix du
jury, ce thriller social mû par une conscience politique ardente nous dévoile
le quotidien d’une unité de la BAC à Montfermeil.
Sous la plume de Victor Hugo, les Thénardier tenaient une gargote dans une rue de Montfermeil. Au-delà du clin d’œil à une œuvre pas si éloignée du présent, Les Misérables, version 2019, c’est l’histoire d’un autre regard acéré – celui du cinéaste Ladj Ly, enfant de la cité des Bosquets, en Seine-Saint-Denis – qui façonne le nôtre à travers les yeux de Stéphane (Damien Bonnard), policier de Cherbourg fraîchement muté dans une cité dont il ne connaît ni les codes ni les repères tracés par les collègues de la BAC. Repoussant très longtemps le point de bascule du récit – une bavure, lors de l’interpellation d’adolescents, filmée grâce à un drone –, Ladj Ly documente moins l’irruption de la violence que les conditions de sa naissance. Aux vues aériennes figurant les lieux tel un amas de boîtes oppressantes répondent ainsi de nombreuses scènes en espace confiné dans lesquelles s’engouffrent les jeux de domination verbale (y compris entre baqueux) et les germes du rapport de force. Nimbé d’un humour féroce, d’une énergie bouillonnante qui mène à la lisière du chaos, ce premier long métrage éclaire un sujet épineux sans moraliser ses enjeux. Vingt-quatre ans après La Haine de Mathieu Kassovitz, une nouvelle fiction comme un télescope pointé vers la réalité des banlieues délaissées par l’État.
Les Misérables de Ladj Ly, Le Pacte (1 h 42), sortie le 20 novembre
Image : Les Misérables de Ladj Ly – Copyright SRAB Films – Rectangle Productions – Lyly films