Les frères Larrieu, cime parfaite

Pourquoi adapter le livre de Philippe Djian, Incidences ? On nous l’a fait lire en avril 2010. Nous avions, depuis longtemps, l’envie de faire ce que nous appelions un « polar suisse ». Philippe Djian ne nomme pas vraiment les lieux de l’action de son livre, mais il nous a raconté s’être inspiré de la Suisse. Ce


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Pourquoi adapter le livre de Philippe Djian, Incidences ?
On nous l’a fait lire en avril 2010. Nous avions, depuis longtemps, l’envie de faire ce que nous appelions un « polar suisse ». Philippe Djian ne nomme pas vraiment les lieux de l’action de son livre, mais il nous a raconté s’être inspiré de la Suisse. Ce qui nous intéressait, c’était de tourner dans un endroit très neigeux et en plein hiver.

Après i, qui se termine un 14 juillet, vous signez un film blanc, glacé.
Oui, le blanc est quelque chose que nous avons beaucoup travaillé. Dans le film, il représente à la fois les pertes de mémoire de Marc, la peur de la page blanche, la virginité et, le cœur du film, la question des traces que l’on efface.

Comment choisissez-vous les lieux dans lesquels vous tournez ?
Nous ne découpons pas les séquences avant de tourner, mais le moment des repérages est essentiel, c’est à ce moment-là que le film s’inscrit dans l’espace. Les Alpes, c’était comme un studio à ciel ouvert. Nous aimons beaucoup tourner dans la nature et utiliser de la lumière artificielle, pour tendre vers le fantastique. Par exemple, lorsque la neige tombe, elle est vraie, mais comme nous l’éclairons violemment, ça lui donne un côté presque factice.

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Le campus dans lequel enseigne Marc est très moderne, il tranche avec le paysage bucolique alentour. Pourquoi ce choix ?
Nous tenions à ce côté film d’anticipation, comme si l’on se retrouvait après l’apocalypse des Derniers jours… Le campus est ultra-contemporain, tandis que Marc et sa sœur, dans le chalet, représentent un monde déjà mort. Marc est très romantique, c’est une espèce en voie d’extinction. D’ailleurs dans ses cours, nous avons veillé à ce qu’il parle de choses anciennes, Ulysse, Dante.

L’atmosphère du film évoque beaucoup les films de David Lynch. Aviez-vous des images de références avant de tourner ?
Pour la première fois, nous avons composé un « mood book ». On y avait mis beaucoup d’images tirées des films de Lynch effectivement, de Lost Highway notamment. Je pense que cela vient du fait que Djian soit un écrivain très américain, en le lisant on voyait tout de suite des plans de films noirs. Pour le campus, nous avons pensé à Elephant de Gus Van Sant.

Le film évolue sur la mince frontière qui sépare le vrai du faux, je pense notamment au personnage joué par Maïwenn.
C’est vrai que nous tenions à ce que Maïwenn joue très premier degré, alors qu’elle ment tout au long du film. Son personnage se rapproche de ce à quoi doit arriver une actrice – apporter des sentiments vrais à l’intérieur d’un scénario qu’il faut respecter. À l’inverse, Karin Viard a beaucoup composé son personnage de femme fatale comme on en voit dans les films américains des années 1940-1950. Marc vit avec sa « sœur fatale ».

Vous travaillez avec Mathieu Amalric depuis La Brèche de Roland (2000). Qu’est ce qui vous séduit chez lui ?
Nous avions envie de retrouver Mathieu dans un rapport très fort à la parole, au texte. Il est très doué pour ça, mais ça le met en tension. À chaque fois, on se dit qu’on va beaucoup travailler en amont, mais Mathieu tourne beaucoup, il arrive à la dernière minute et pourtant exactement dans l’état que le rôle requiert. Finalement, c’est quelque chose qui nous correspond, de faire en sorte que les choses se passent seulement au moment où la caméra tourne.

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Ce qui veut dire pas de répétitions ?
Non, pas de lectures non plus. Il arrive en sachant très bien son texte, mais nous découvrons au tournage ce qu’il compte nous proposer. Il est très différent de Denis Podalydès, qui vient du théâtre et aborde les choses beaucoup plus posément. La tension entre ces deux styles fonctionnait très bien.

Est-ce confortable de réaliser des films à deux ?
Dans beaucoup de films français, le réalisateur s’occupe de la direction des acteurs et, un peu par défaut, le chef opérateur prend en charge la façon de filmer. Chez nous, Arnaud est au cadre, Jean-Marie s’occupe davantage des acteurs, mais c’est la même pensée qui dirige toute la mise en scène. Au montage nous sommes trois, donc les choses sont encore plus simples. L’important c’est de sentir le film dans son ensemble, de passer rapidement sur les raccords. On arrive toujours à une version molle, une version sèche et une version qui, soudain, s’impose. À la fois vivante et rigoureuse.

L’amour est un crime parfait
d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu (1h50)
avec Mathieu Amalric, Maïwenn…
sortie le 15 janvier