« Les Femmes au balcon » de Noémie Merlant

Après « Mi iubita mon amour » (2022), premier film solaire et douce ode au désir, Noémie Merlant signe un classique instantané : une fable féministe sans concession qui suit les aventures de trois colocataires et pousse tous les curseurs à l’extrême.


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« Les Femmes au balcon » de Noémie Merlant (c) Tandem

« Un dôme de chaleur s’installe sur toute la France », annonce la radio en voix off dès les premières secondes du générique, avant de rappeler les bons réflexes en cas de canicule : « Surveillez vos voisins les plus fragiles. » Ça tombe bien. Nos femmes au balcon – Ruby, la camgirl extravertie (l’excellente Souheila Yacoub) ; Nicole, la romancière réservée (Sanda Codreanu, révélée dans Mi iubita mon amour) ; Élise, l’actrice angoissée (Noémie Merlant, au bord de la crise de nerfs) – gardent justement un œil sur leur voisin d’en face (Lucas Bravo, déjà objet de toutes les convoitises dans la série Emily in Paris), apollon qui se prélasse torse nu à sa fenêtre. Si, habituellement dans la fiction, les hommes se rincent l’œil aux dépens des personnages féminins avec un voyeurisme éculé, ici les rôles s’inversent, et ces dernières deviennent les seules maîtresses de leur corps et de leur vie. La scène d’ouverture du film (qu’on ne dévoilera pas) le confirme : Les Femmes au balcon leur offrira l’occasion rêvée de se défendre des oppressions patriarcales subies depuis des siècles.

Dans une première partie aux couleurs délicieusement saturées dévoilant des personnages hors norme, presque cartoonesques, nos trois héroïnes almodovariennes, réunies dans un appartement marseillais, se confient librement sur leurs désirs et leurs fantasmes. Des fantasmes qui se cristallisent sur cet homme d’en face dont elles ignorent jusqu’au nom. Mais, entre elles et lui, ce qui commençait comme une parfaite comédie romantique (une première rencontre en face à face après un accrochage en voiture, un début de flirt par SMS, puis un rendez-vous nocturne) tourne au drame quand Ruby accepte une séance photo avec ce voisin, qui se révèle être photographe. « Je voulais écrire une histoire d’amour », déplorera plus tard Nicole, complètement déboussolée alors qu’elle se retrouve embarquée, après ce photo shoot, dans une aventure nettement plus sanglante. En un instant, elle, comme nous, perd ses repères, alors que le film opère brillamment sa mue. D’une comédie burlesque et caustique, Les Femmes au balcon se transforme en un film de genre audacieux, conjuguant le fantastique avec la tradition grand-guignolesque du slasher dans une mise en scène vertigineuse.

Épaulée par Céline Sciamma au scénario, Noémie Merlant confirme, avec cette fable intransigeante, pédagogique et jouissive, son statut d’actrice-réalisatrice la plus émancipatrice du cinéma français. Abordant frontalement le thème des violences faites aux femmes dans des scènes parfois crues mais toujours justes, elle ouvre la voie vers une sororité réconfortante et salvatrice. Jusqu’à une séquence finale radicalement onirique et utopique, qui propose enfin une société dans laquelle on rêverait de vivre.

Les Femmes au balcon sortie le 11 décembre de Noémie Merlant, Tandem (1 h 43)