En adaptant un roman suédois, le réalisateur de La Ritournelle ne perd pas de vue ses thèmes de prédilection : la mécanique du couple, la réussite et ses compromissions, et les héroïnes qui mènent l’enquête. Cette fois, la détective amatrice Ève (Karine Viard) doute de la fidélité de son mari, Henri (Benjamin Biolay), un chef d’orchestre qui semble avoir cédé aux charmes de l’institutrice de leur fils. Cette banale histoire d’adultère se mue dès lors en thriller vengeur, pimenté de satire sociale. Car le vertige d’Ève n’est pas qu’amoureux : elle craint autant la tromperie d’Henri que le risque d’excommunication d’une bulle dorée à laquelle, origines modestes obligent, elle n’appartient qu’à moitié.
C’est là que s’épanouit la fibre chabrolienne du film, qui brocarde avec gourmandise l’hypocrisie d’une bourgeoisie prête à tout pour maintenir le vernis des apparences. À la province française, chère à Chabrol, Fitoussi préfère Vienne et sa très snob communauté d’expatriés, croquée ici avec une savoureuse cruauté. Dans ce festival de coups bas, seule Ève saura générer quelque tendresse : la prestation de Karin Viard, aussi électrisante que jadis Katharine Hepburn dans une comédie du remariage, n’y est pas pour rien.