« Le Plaisir » : le chef d’œuvre de Max Ophüls revient dans les salles

Avec ce film qui compile trois nouvelles de Guy de Maupassant, Max Ophüls disserte sur l’amour, le désir et les mirages de la chair. Un extraordinaire long métrage à sketchs, qui ressort en salles aux côtés des films « Sans Lendemain » et « Madame de… », deux autres grandes oeuvres sur l’innocence perdue.


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La voix du narrateur accueille le spectateur au travers d’un écran noir. C’est la nuit. Comme s’il était « à côté de vous », Maupassant lui-même s’apprête à conter trois petites histoires, variations sur le thème du plaisir et du temps. C’est le début d’une fabuleuse aventure de mœurs vers la fin du XIXème siècle, mettant en scène Jean Gabin ou encore Danielle Darrieux.

Dans Le Masque, un vieillard enivré par l’absinthe et dissimulé sous un masque s’en va danser dans les bals, nostalgique de ses jeunes années. Dans La Maison Tellier, un baptême donne l’occasion à Madame Rosa et à sa bande de « cocottes » de partir à la campagne et de fermer boutique pour la soirée, voyage qui perturbe grandement les habitués de la maison. Enfin, dans Le modèle, une jeune fille amoureuse du peintre pour qui elle pose se retrouve dans l’impasse lorsque ce dernier se met à l’ignorer.

Histoires d’apparence légères, ces « conte{s} de fée pour grande personne » comme le précise le narrateur, n’ont rien de tout à fait léger. Sous les faux-culs des filles de joie, parmi la foule des bals décadents, se cache une véritable réflexion, non pas sur la quête du plaisir, mais sur celle du bonheur. Si les plaisirs de la chair et de l’alcool sont pour les hommes des plaisirs faciles, Max Ophüls nous indique que ce bonheur-là « n’est pas gai », et que le vrai bonheur est un bien précieux détaché de la jouissance systématique et immédiate, notion bien comprise par les femmes.

Film de chevet de Stanley Kubrick, Le Plaisir, en plus d’être un grand film technique à l’esthétique baroque ultra soignée, est une oeuvre de contraste épatant, qui donne à voir le point de vue avant-gardiste de son réalisateur sur la société du divertissement.

Dans une effervescence de travelling et panoramiques sidérants, la caméra de Max Ophüls virevolte, non pas pour nous perdre dans cette société du spectacle qu’il a tant filmé, mais pour mieux nous emporter dans le tourbillon des sentiments et désirs fugaces de ses protagonistes, à jamais scellé sur la pellicule.

Image © Stera Films