On rejoint Maxence un matin, et il angoisse un peu. Le soir même, des proches de Philippe Ferrières, mort en 2019 à Drancy après une clé d’étranglement pratiquée par un policier, seront présents à la projection de son film. Utiliser des avatars de style anime pour incarner leur récit tragique aurait pu virer au décalage indécent. Mais, au contraire, leurs voix s’articulent avec densité, trouvent ici une caisse de résonance, comme si ces masques rudimentaires permettaient de saisir ce qui sourd de leurs silences. « J’ai pensé à ces ados qui se créent des bonshommes sur l’appli Gacha Life. Beaucoup s’en servent pour exprimer la violence scolaire, comme un moyen de raconter l’inexprimable. » Dans ce jeu trouble sur l’incarnation, Philippe Ferrières est le seul dont on peut identifier le visage. Le cinéaste lutte contre l’effacement posthume, en évitant l’héroïsation aveugle.
« Le cinéma, pour moi, permet de convoquer les disparus. » Le deuil était déjà au centre d’Au jour d’aujourd’hui, un long de science-fiction lo-fi et déviante dans lequel il reprenait les rushs amassés sur ses grands-parents, chez qui plus jeune il passait tous ses week-ends face à une route nationale entre Pantin et Bondy. Après la mort de son grand-père, et avec la complicité de sa grand-mère, il imaginait qu’une I.A. ayant mal digéré les écrits nihilistes du défunt permettait sa résurrection en tueur sanguinaire. « Ma grand-mère, c’est la star de tous mes films. La manière que j’ai de jouer avec le réel me vient d’elle : quand elle parle, elle est en roue libre. » C’est ce qu’il y a de plus émouvant dans le cinéma de Maxence Stamatiadis : composer avec l’imaginaire de celles et ceux qu’il filme en l’investissant d’une technologie pleine de fulgurances, de bugs et d’étrangeté.