Le Livre d’image de Jean-Luc Godard : passe d’arts

« Il y a un réel contraste entre la violence de l’acte de représenter et le calme intérieur de la représentation elle-même. » Parmi les nombreuses méditations de Godard en voix-off qui parsèment son nouveau film en Compétition officielle, celle-ci est peut-être celle qui éclaire le mieux son projet. En grand cinéaste moderne, il tente


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« Il y a un réel contraste entre la violence de l’acte de représenter et le calme intérieur de la représentation elle-même. » Parmi les nombreuses méditations de Godard en voix-off qui parsèment son nouveau film en Compétition officielle, celle-ci est peut-être celle qui éclaire le mieux son projet. En grand cinéaste moderne, il tente de comprendre comment l’être humain fabrique des images, et surtout ce que le résultat produit sur les spectateurs. C’est en déréglant la machine cinéma (le format de l’image change au cours d’un même extrait ; le volume sonore varie quasi frénétiquement, Godard n’hésitant pas – non sans humour – à se couper lui-même la parole en pleines envolées philosophiques) qu’il nous permet de sortir du récit propre à chaque extrait montré et nous permet d’y réfléchir autrement.

Aux films qu’on reconnaît d’emblée (le plan de l’œil coupé dans Un Chien andalou, une scène d’humiliation dans Salò ou les 120 journées de Sodome…) se mêlent des images de conflits tirés de journaux télé ou du net du monde entier. Godard nous met face à l’évidence : malgré tout ce qu’elles disent voire dénoncent, on ne fait rien devant ces images. Il remet vivement en question le pouvoir du dispositif image-son, comme dans un chapitre qui se concentre sur la représentation du monde arabe, selon lui « d’abord décor et paysage » au cinéma, à tel point qu’il pose, avec une ironie accusatrice, la question : « Les Arabes peuvent-ils parler ? » Mais ce vieux briscard, même à 87 ans, ne se pose pas du tout en nihiliste. Il croit encore fort à la création, mais semble vouloir délaisser ce qui mobilise l’ouïe et la vue pour porter plus d’attention sur la main, en pointant son immense pouvoir dans l’art et dans la vie. « Aucune activité ne sera un art avant que son époque soit terminée. Ensuite, cet art disparaîtra. » Sans se prendre pour un oracle capable de prédire l’avenir du cinéma et des médias, il montre plutôt les espoirs qu’il porte en la jeune création, ce qui ne fait que redoubler notre engouement pour ce bouillonnant et émouvant film-essai.