En phase avec la prise de conscience écologique et la nécessité de consommer et de produire autrement pour éviter la catastrophe à venir, le cinéma va devoir repenser son mode de fabrication.
En 2011, on apprenait que le secteur audiovisuel émettait, en France, environ 1 million de tonnes équivalent CO2 par an dans l’atmosphère, dont approximativement le quart était lié aux tournages. Le collectif Ecoprod (réunissant le CNC, TF1, France Télévisions…), qui avait commandé cette étude, a depuis développé des outils pour sensibiliser les sociétés de production à l’impact carbone de leurs tournages (calculateur d’émission de CO2, guide pratique, formations).
La société Secoya propose de suivre des tournages au cas par cas pour réduire leur coût écologique, et donc aussi économique (en optimisant notamment les transports et le matériel). L’incitation financière est aussi un levier puissant pour susciter l’action écolo, utilisé par certaines régions en Europe – l’Île-de-France offre, par exemple, un « écobonus » allant jusqu’à 100 000 euros par film –, même si aucune obligation (comme des seuils d’émission à ne pas dépasser) n’est pour l’instant établie. Pour que les tournages réussissent leur transition, « il faut aussi imaginer des solutions moins consommatrices des ressources qui vont bientôt manquer, ajoute Morgane Baudin, conseillère indépendante en écoproduction. Repenser la façon dont on fait les films, notamment en limitant les déplacements. »
Pourquoi pas en tournant, par exemple, dans des studios écoresponsables, installés dans des bâtiments à consommation passive qui fonctionneraient à l’énergie verte (panneaux solaires, voire technologie carburant à l’hydrogène) et pourvus de matériel et de consommables recyclables ? Les films seraient tournés sur fonds verts, avec des décors incrustés numériquement, et dans des backlots (des décors permanents en extérieur). Mais pour réduire drastiquement l’impact carbone du cinéma, il faut en réalité revoir toute sa chaîne, jusqu’à sa diffusion.
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Alors que la réflexion est en cours pour diminuer le bilan carbone des salles (ce qui risque de prendre du temps, car le coût des aménagements est important), il pourrait sembler a priori plus écolo d’arrêter de se déplacer pour regarder les films chez soi. Sauf qu’un rapport de l’association The Shift Project (un think tank qui réfléchit à une économie libérée de la contrainte carbone) publié en juillet dernier a montré l’impact démentiel du streaming sur l’environnement : l’ensemble des vidéos en ligne dans le monde émet 300 millions de tonnes de CO2 par an, soit 1 % du total annuel mondial.
Dans le documentaire Side by Side de Christopher Kenneally, les sœurs Wachowski parient que les films seront bientôt visionnés collectivement au sein de mondes virtuels dans lesquels se réuniront nos avatars. Avec les studios de tournage et les salles de ciné, c’est donc aussi les data centers qu’il va falloir rendre sobres.
Illustration: @The_Real_Theory