Il y aura bientôt plus de femmes derrière les caméras, promesse réjouissante d’un renouvellement des imaginaires et des représentations.
Les récentes accusations d’Adèle Haenel contre Christophe Ruggia (qu’il dément), son appel à une prise de conscience collective concernant les violences faites aux femmes dans le milieu du cinéma, ont ouvert un débat dans l’espace public. En ne pointant pas simplement du doigt son agresseur, mais en remettant en cause la responsabilité de tout un système inégalitaire et oppressif (« Les monstres, ça n’existe pas. C’est notre société. C’est nous, nos amis, nos pères. C’est ça qu’on doit regarder », a-t-elle déclaré dans un live de Mediapart le 4 novembre dernier), l’actrice a fait résonner cette idée : viser la parité, c’est rendre la parole des femmes audible, s’assurer que leurs récits feront bouger le regard que l’on porte sur elles.
S’il veut se traduire à l’écran, ce combat doit commencer sur les plateaux de tournage – rappelons que le cinéma est aujourd’hui une industrie majoritairement masculine, qui compte seulement 23 % de réalisatrices, cantonnées à des budgets moyens inférieurs de 36 % à ceux des films réalisés par des hommes (selon l’étude « La parité derrière la caméra » du Collectif 50/50) et gagnant 42,3 % de moins que leurs homologues masculins (dixit l’étude du CNC « La place des femmes dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle », publiée en mars 2019).
Comment atteindre l’égalité ? Parmi les initiatives qui vont faire bouger les choses, on peut citer l’instauration, en janvier 2019, d’un bonus du CNC (égal à 15 % du soutien accordé à un film par cet organisme) appliqué si l’équipe compte au moins autant de femmes que d’hommes dans les principaux postes d’encadrement – 29 longs métrages en ont déjà profité.
Imaginer un monde où les femmes seraient autant derrière la caméra que les hommes, c’est imaginer un cinéma qui ne soit plus dominé par le male gaze – d’après le concept de Laura Mulvey selon lequel le regard masculin hétérosexuel est hégémonique dans notre culture visuelle –, mais dans lequel un female gaze, entendu comme un contre-pouvoir libérateur et inclusif, pourrait émerger.
Virginie Despentes a résumé mieux que personne cette révolution en marche dans le podcast Les couilles sur la table, en septembre dernier : « Si Kechiche veut faire un film ultra macho sur sa libido, moi je trouve ça génial. Mon problème, c’est pourquoi il n’y a pas l’équivalent, en face, d’un “Kechiche meuf” ? » On prédit aussi l’avènement d’un « Tarantino meuf », d’un « Michael Bay meuf » et d’un « James Cameron meuf » dans les années à venir.
Illustration : @The_Real_Theory