Le film du soir : « L’Année des treize lunes » de Rainer W. Fassbinder

Sorti en 1981, ce drame queer signé par le cinéaste allemand Rainer W. Fassbinder (Le Mariage de Maria Braun, Querelle) explore en beauté le passé tumultueux d’une héroïne écorchée. Francfort, 1978. Près de la rive du Main, sous la lumière bleutée des premières heures du jour, des corps en mouvement se dessinent, dans un éveil


Sorti en 1981, ce drame queer signé par le cinéaste allemand Rainer W. Fassbinder (Le Mariage de Maria Braun, Querelle) explore en beauté le passé tumultueux d’une héroïne écorchée.

Francfort, 1978. Près de la rive du Main, sous la lumière bleutée des premières heures du jour, des corps en mouvement se dessinent, dans un éveil délicat des sens, quand les caresses sensuelles filmées en gros plan laissent subitement place à de violents coups intentés par tout un groupe d’hommes qui s’acharnent sur un des deux personnages, au prétexte qu’il est un homme. Cette scène d’ouverture de L’Année des treize lunes du cinéaste allemand Rainer W. Fassbinder, défilant sur l’adagietto de la 5e symphonie de Gustav Mahler, porte tout le poids tragique de ce récit composé autour du personnage d’Edwina, femme trans rejetée par son entourage, aussi bien quand elle s’habille comme un homme que quand elle s’assume comme une femme, et qui trouve le réconfort auprès d’une prostituée.

À partir d’une croyance astrologique inscrite au générique d’ouverture – « Une année sur sept est une année lunaire. Ces années-là, les êtres dominés par leurs émotions souffrent de graves dépressions. » -, ce film queer, à la fois doux et radical, nous balade, au détour de décors beaux, colorés, inquiétants où déambulent des silhouettes filmées avec un subtil érotisme, dans un passé tumultueux (une enfance dans un couvent, un boulot dans un abattoir, un mariage avec la fille du boucher et une histoire d’amour) jalonné d’abandons. Usant de son talent de metteur en scène de théâtre, Fassbinder explore la mélancolie de cet être qu’on sent à chaque moment au bord d’un précipice, prêt à tomber dans le néant d’un monde sans lune. C’est magnifique et crépusculaire. Comme souvent chez Fassbinder. 

Le film est en ce moment disponible sur MUBI (cliquez ici) ou en VOD sur le site de la Cinetek.