S’inspirant de l’épisode tragique des moines de Tibhirine, Xavier Beauvois évite le piège de la reconstitution politico-historique dans un film humaniste, que France 5 propose de revoir ce soir, en hommage à Michael Lonsdale, qui nous a quitté lundi dernier à l’âge de 89 ans.
En 1996, lors du conflit entre l’État algérien et la guérilla islamiste, sept moines français sont assassinés. Manipulation ? Acte terroriste ? Là n’est pas la question de ce film qui parle d’hommes avant tout. Ceux-là vivent dans les montagnes selon les rites cisterciens qui plongent leur quotidien dans la prière, le chant, la contemplation, la fraternité avec leurs voisins musulmans. Mais bientôt le conflit s’enlise et les moines sont priés de partir. Doivent-ils rester ?
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Avec une mise en scène dépouillée qui s’inspire de l’iconographie du martyre, Beauvois filme l’exigence spirituelle de ces hommes à l’heure où leur engagement est mis à l’épreuve de la réalité. C’est une décision collective qui les guide finalement vers le sacrifice de soi par amour de l’autre. Aussi spirituel soit-il, le film regorge d’émotion : à l’issue de la décision ultime, les visages des moines sont filmés un à un au son exalté du Lac des cygnes. Leurs yeux sont vides, leurs rides se creusent, comme si la vie s’échappait déjà de leur chair pour monter vers les cieux. Un pur moment de transcendance.
Trois questions à Xavier Beauvois
Vous ne cherchez pas du tout les coupables ici. Pourquoi ?
Dans la presse, on n’a fait que ça, chercher les coupables. J’ai trouvé bien plus important de montrer qui étaient ces moines trappistes retirés en Algérie. Je voulais faire découvrir leur message de tolérance et de fraternité.
En suivant le destin de ces hommes extrêmement tolérants et généreux, vouliez- vous dénoncer notre société individualiste ?
Oui, c’est ce qui était aussi excitant dans ce projet. J’ai souvent l’impression qu’on veut nous monter les uns contre les autres, avec ces histoires de burqa et autres faux problèmes qui ne concernent presque personne.
Comment avez-vous pensé la mise en scène ?
En me retirant dans l’abbaye pour préparer le film, j’ai vite compris que j’allais devoir être précis car la vie monastique est très ritualisée. La sobriété de la mise en scène s’est imposée d’elle-même. J’ai de plus en plus envie d’aller vers l’épure, comme dans les films récents de Clint Eastwood : il n’y a rien en trop.