Avec ce court-métrage malicieux, sur un homme dont le suicide est empêché à la dernière minute par la fièvre mélomane de son voisin, Mathieu Demy navigue avec un esprit enfantin et rafraîchissant entre les genres. Sélectionné par mk2 CURIOSITY, le film est visible gratuitement sur jusqu’à mercredi.
Mise à jour le 23 /04/ 2020. Ce film n’est désormais plus accessible. Découvrez les films offerts sur mk2 Curiosity en cliquant ici
Une histoire de voisinage et de tapage diurne qui vire à l’obsession existentielle. Le point de départ a priori anecdotique de ce court-métrage de Mathieu Demy résonnera peut-être étrangement avec vos dernières semaines de confinement… Un soir de déprime comme un autre, après avoir descendu quelques mini-bouteilles de whisky, un homme suicidaire (André Wilms) entreprend d’écrire dans les règles de l’art sa lettre d’adieu. Mais à l’étage supérieur, son voisin, un apprenti violoncelliste qui a clairement oublié de prendre des leçons de solfège, lui gâche ce qui devait être ses derniers instants en entamant un concerto insupportable.
Dès les premières secondes, Mathieu Demy invite son spectateur à tendre l’oreille pour accéder à d’infimes détails sonores en le plongeant dans un univers quasi mutique, dénué de dialogues, tout en créant un univers sonore unique, plein de crissements de cordes, de grésillements d’une télévision qui s’allume, d’un crayon qui gratte le papier. Tous ces éléments forment une symphonie dissonante épousant la folie du personnage, dont la recherche du silence mortuaire se transforme rapidement en jeu de pouvoir. Animé par la volonté d’identifier quel morceau son voisin massacre ainsi, cet anti-héros retrouve goût à la vie, et sa colère se meut, paradoxalement, en un langage de renaissance ponctué de notes lyriques et de symphonie de Beethoven sur vinyle.
Dans sa façon de prendre des détours formels toujours surprenants, le film frôle le burlesque, voire le pastiche. À travers ce huis clos paranoïaque, le réalisateur fait glisser son intrigue vers quelque chose de plus intimiste et psychanalytique, notamment lors de cette séquence de rêve où le personnage retrouve une jeune femme que l’on présume être son amour de jeunesse au bord d’un point d’eau – un clin d’oeil aux Fraises sauvages d’Ingmar Bergman ? Avant que les notes grinçantes du violoncelle, comme des échos cauchemardesques, ne viennent déformer ce doux souvenir en course-poursuite dans un cimetière, au son d’une tronçonneuse. Regorgeant de petites astuces esthétiques, de rimes visuelles ludiques, ce court-métrage est aussi un joli pied de nez à la morosité quotidienne.