« L’Attachement » de Carine Tardieu : un mélo subtil pour réinventer la famille

[CRITIQUE] Adapté d’un roman d’Alice Ferney, le cinquième long-métrage de la réalisatrice (porté par Valeria Bruni Tedeschi et Pio Marmaï) est une exploration, poignante sans être lacrymale, des énigmes de l’affection.


"L'Attachement" de Carine Tardieu Karé Productions - France 2 Cinéma - Umedia
"L'Attachement" de Carine Tardieu (c) Karé Productions - France 2 Cinéma - Umedia

Propriétaire d’une librairie féministe, Sandra, quinqua émancipée des injonctions sociales (Valeria Bruni Tedeschi) gère son appartement comme sa vie : dans un joyeux bordel de livres, sans enfants ni mari. Jusqu’au jour où sa voisine de palier décède pendant son accouchement, laissant derrière elle un mari endeuillé (Pio Marmaï), un petit garçon prénommé Eliott (César Botti), et une nouveau-née. Un lien indéfectible commence à se nouer entre eux, teinté de craintes et de joie…

Librement inspiré d’un roman d’Alice Fernet, L’Intimité, le nouveau film de Carine Tardieu, souvent plus fin qu’attendu, poignant sans être racoleur, tisse avec pudeur l’histoire de cette nouvelle famille. Habituée à déceler sous l’intime des formes d’amour peu conventionnelles (Les Jeunes Amants, en 2022, suivait la passion incandescente entre Melvil Poupaud et Fanny Ardant), la réalisatrice française s’appuie sur la prose subtile d’Alice Fernay pour livrer un récit sur la puissance de la tendresse, rebelle à toutes les normes.

La force de ce mélodrame doit beaucoup à sa façon de canaliser l’énergie dévorante de ses deux comédiens tempétueux. Valeria Bruni Tedeschi et Pio Marmaï sont ici dans le chagrin rentré, eux qui nous ont habitué au débordement volcanique. Comme au diapason de ses comédiens, la mise en scène fait plus souvent le choix de l’ellipse que de l’exhaustivité, du silence que de la théorisation des sentiments. Les voix du cœur sont impénétrables, et le film renonce à combler toutes ses énigmes. Plus il avance, plus il élargit les brèches psychologiques de ses personnages, se décentre du duo principal pour s’intéresser à ceux qui gravitent autour de ce noyau familial recomposé (excellents Raphaël Quenard, Vimala Pons et Marie-Christine Barrault). En traquant la complexité des élans intérieurs grâce au dénuement formel – une caméra portée discrète, des courtes focales pour laisser les visages imprimer l’émotion -, le film de Carine Tardieu frôle la grâce d’un autre grand cinéaste français, Claude Sautet.

: L’Attachement de Carine Tardieu (Diaphana, 1h45), sortie le 19 février