Une archive de l’INA qui révèle la douceur mais aussi la lucidité tourmentée d’une actrice très consciente des dérives de son métier.
Ce n’est pas sur les boulevards interminables des Champs Elysées, où elle répète avec insouciance « New York Herald Tribune » dans À Bout de souffle de Jean-Luc Godard mais sur les bords de mer de Cannes que l’on retrouve Jean Seberg pour notre archive du jour, dénichée sur le site de l’INA. Qu’est venue faire l’actrice américaine sur la Croisette en cette saison hivernale? On est en 1965, et elle tourne Choc (Moment to Moment) de Mervyn Le Roy, avec Honor Blackman: l’occasion pour le journaliste du reportage de la questionner sur son rapport à la célébrité, son quotidien en France (l’actrice regrette que personne aux États-Unis ne connaisse François Truffaut et Jean-Paul Belmondo), les conditions de son tournage.
L’entretien tourne vite à la confidence, prenant des détours plus psychologiques sur la solitude du métier de journaliste : « Nous les comédiens, nous portons toujours un masque, tout le temps ». Au journaliste qui lui demande si, comme elle en donne l’impression, elle est réellement une femme de caractère, Jean Seberg répond avec douceur que non, mais que si elle renvoie cette image, pourquoi pas. Qu’y-a-t-il derrière cette façade dans ce cas ? « Une façade, c’est ce qu’on montre pour ne pas montrer ce qu’on est réellement, mais moi je suis plutôt le contraire. Très impulsive, un peu trop enfantine ».
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Mais ce qui étonne le plus dans cette archive, c’est la lucidité d’une actrice portée aux nues très jeune, devenue l’icône d’une Nouvelle Vague pour toute une génération en quelques films, qui n’a jamais perdu son sang-froid et ne s’est pas laissée emportée par l’enivrement du star system : « J’ai eu de la chance d’être exposée à l’Europe, à d’autres idées, de ne pas avoir traînée sous les palmiers en Californie en attendant des vagues petits rôles principaux. »
« La tragédie du cinéma, pourquoi ça termine si mal, c’est quand ça devient tout et qu’on est mangé ». En entendant ces paroles mélancoliques sur la frontière floue et dangereuse entre cinéma et réel, on ne peut pas s’empêcher de penser au destin tragique de l’actrice, décédée en 1979 d’une overdose.
Image: Capture d’écran Youtube