L’attente a été longue pour les adorateurs de Rodrigo Amarante. Sept ans, un gouffre, séparent Cavalo (2014), son premier album solo, de ce flamboyant Drama. « Je peux tout t’expliquer, assure le Brésilien depuis sa résidence de Los Angeles. D’abord, j’ai tourné pendant deux ans après la sortie de Cavalo. Puis j’ai composé le thème de la série Narcos, qui a si bien marché que mon agent m’a supplié de repartir sur la route. Donc encore deux ans de concerts. Puis j’ai passé huit mois à composer et enregistrer la B.O. du film Otages à Entebbe de José Padilha. Ce qui nous mène à 2020 et à la pandémie, qui a retardé la sortie de Drama. »
Ce temps, ces expériences, ces espaces traversés, lui ont permis de repenser l’identité de ce qu’il appelle son « personnage » – musicien exilé, célèbre dans son pays d’origine (le groupe Los Hermanos, actif de 1997 à 2007), adopté par le reste du monde (Little Joy, avec Fabrizio Moretti des Strokes), jamais vraiment chez lui. Articulé autour d’un événement de son enfance (une coupe de cheveux imposée par son père, qui ne supportait plus de voir ce garçon sensible se faire brimer), il s’écoute à la fois comme un retour aux sources (l’école de samba où il a grandi, les orchestrations lyriques de la MPB, música popular brasileira) et une projection de son cinéma mental, bien plus vaste qu’un couplet Netflix. « J’ai arrêté de vouloir m’adapter au milieu pop international, ce qui a fait surgir une musique plus… tropicale. Exprimer ces couleurs, c’est déjà du cinéma. » L’attente a été longue, mais Drama tombe à point nommé : synchro avec la réouverture des salles.
Si ton album était un film
« Ma réponse est simple : Drama est un film ! Chaque chanson est pensée comme une scène dans laquelle mon personnage se trouve confronté à une situation, avec un arc narratif qui les relie entre elles. C’est pour ça que j’ai réalisé une bande-annonce de l’album. Le cinéma était ma première vocation avant la musique, et je n’ai pas vraiment lâché l’affaire. J’ai une passion pour Kurosawa, Ozu, Scola, Antonioni, Kaurismäki… J’ai même glissé un hommage à Fat City de John Huston dans un clip. Les amateurs reconnaîtront. »
Drama de Rodrigo Amarante (Polyvinyl)