C’est l’un des plus grands acteurs français qui s’est éteint le 12 mai à l’âge de 94 ans. Une carrière hallucinante dans laquelle on croise les noms de Buñuel, Godard, Demy, Varda, Sautet, Moretti… Un parcours exceptionnel, marqué par le souci d’être à l’avant-garde sans trop en avoir l’air.
« Michel Piccoli s’est éteint le 12 mai dans les bras de sa femme Ludivine et de ses jeunes enfants Inord et Missia, des suites d’un accident cérébral. » indique un communiqué de la famille de l’acteur transmis par Gilles Jacob, ancien président du Festival de Cannes et ami de Piccoli, à l’AFP.
Né à Paris en 1925, le comédien s’est formé au cours Simon avant de faire quelques apparitions dans des films marquants du cinéma français tel French Cancan de Jean Renoir en 1954 ou encore dans Le Doulos de Jean-Pierre Melville en 1962.
Mais c’est surtout la Nouvelle Vague qui le révèle au grand public, notamment avec Le Mépris (1964) de Jean-Luc Godard, dans lequel il incarne Paul, un cinéaste dont l’épouse jouée par Brigitte Bardot commence à le fuir et à le mépriser. Déjà il impose son style : malgré un ton calme, presque serein, il parvient à faire sentir tous les vertiges de son personnage. De Varda à Demy, de Resnais à Rivette, la nouvelle garde des années 1960 en fait alors son acteur fétiche, au même rang qu’un Belmondo, un Jean-Pierre Léaud ou une Anna Karina.
Dans les années 1970, il devient l’acteur phare des films de Claude Sautet (Les Choses de la vie) ou de Luis Bunuel (Le Charme discret de la bourgeoisie), de Marco Ferreri (La Grande Bouffe) qui se serviront des ambiguïtés de son jeu faussement désinvolte pour dépeindre les tourments les plus impénétrables.
Dans les décennies suivantes, les jeunes cinéastes les plus audacieux (Leos Carax avec Mauvais Sang, Bonello avec De La guerre, et plus récemment en 2015 Bertrand Mandico avec Notre dame des hormones pour lequel il est narrateur) en feront une sorte de guide qui montre la voie, mais toujours avec un certain détachement.
Son dernier grand rôle est celui d’un pape déprimé démissionnaire, qu’il incarne avec décontraction dans Habemus Papam (2011). Un personnage flegmatique, qui règne sans avoir trop envie de régner. C’est finalement aussi le cas de Piccoli acteur qui, au théâtre, à la télévision et bien sûr au cinéma, a marqué à jamais tout en restant discret.
En 2018, l’émission d’Arte Blow Up lui consacrait ce bel hommage, qu’on revoit aujourd’hui avec une grande émotion :
Image de couverture : Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais © DR