Karin Viard, sans tabou

Quand on souhaite interviewer Karin Viard, c’est tout naturellement qu’elle nous donne rendez-vous chez elle. « On est quand même mieux là que dans un café, non ? C’est vachement plus agréable pour discuter. Allez, entrez ! » nous lance-t-elle, en ouvrant la porte de son incroyable maison, cachée dans une arrière-cour d’un quartier populaire parisien. Ce contraste étrange


m2rkndhinmqtothmmy00mjrklwizm2etnzy0ztnhmtk3nzcz karin

Quand on souhaite interviewer Karin Viard, c’est tout naturellement qu’elle nous donne rendez-vous chez elle. « On est quand même mieux là que dans un café, non ? C’est vachement plus agréable pour discuter. Allez, entrez ! » nous lance-t-elle, en ouvrant la porte de son incroyable maison, cachée dans une arrière-cour d’un quartier populaire parisien. Ce contraste étrange lui va bien. Comédienne populaire, elle aime les recoins secrets du cinéma d’auteur pointu, comme celui des frères Larrieu, qu’elle retrouve pour la troisième fois. « Les Larrieu, c’est la famille. C’est comme mes cousins. Ils m’appellent et ils jouent à la poupée avec moi. Bon, d’accord, vous allez me dire que c’est des jeux un peu porno. Mais dans l’histoire de France, on a beaucoup baisé entre cousins ! » Le ton est donné. Que ce soit dans Les Derniers Jours du monde ou dans L’amour est un crime parfait, Karin Viard, chez les Larrieu, devient une femme dominante qui utilise la sexualité comme un pouvoir. Autant de rôles qui ont façonné l’image d’une actrice sans tabou. Et ce ne sont pas ses monologues érotiques très explicites dans 21 nuits avec Pattie qui vont changer la donne. Crus mais étonnamment jamais vulgaires, ces moments de bravoures sonnent, dans la bouche de Karin Viard, comme une ode à la sensualité, à la libération des corps. « Quand je reçois le scénario des Larrieu avec ces longs monologues, je me dis “OK, comment je vais faire ça ?”, c’est tout ; je ne mets pas non plus mon image en danger, faut pas déconner ! Une fois que j’accepte, j’assume, et il s’agit de bien faire les choses. La question c’était : “Comment s’amuser avec ce texte-là ?” Les Larrieu se sont demandés s’il fallait montrer ce qu’elle raconte. Moi, franchement, j’espérais que non ! » explique-t-elle dans un soupir de soulagement. À l’aise avec les mots sur la chose, l’actrice ne veut pourtant pas être cantonnée aux rôles de « chaudasses ». Véritable récréation, ces personnages forts en gueule et en actes, comme récemment dans Lolo de Julie Delpy, participent avant tout, selon elle, à une piqûre de rappel nécessaire. « On n’a pas brûlé nos soutiens-gorge pour que je me retrouve à jouer les mémères tranquilles. Mon rôle d’actrice, c’est de vous montrer qu’une femme bande autant que vous ! »

"VINGT ET UNE NUITS AVEC PATTIE" un film de Arnaud et Jean-Marie Larrieu

HÉROÏNE DU QUOTIDIEN

Avec cette franchise et ce sens de la formule, on comprend bien pourquoi Karin Viard a fait mouche dans la comédie française. Réduite, au début de sa carrière, aux seconds rôles caustiques ou grotesques, comme chez Étienne Chatiliez (Tatie Danielle, 1990) ou chez Jean-Pierre Jeunet (Delicatessen, 1991), l’actrice a très vite mis son débit gouailleur et son air excédé au service de comédies plus réalistes, comme chez Marion Vernoux (Reines d’un jour, 2001) ou Christian Vincent (Les Enfants, 2004). Celle qui affirme avec humour « avoir bien conscience qu’elle n’est pas Catherine Deneuve » a réussi à se créer une image de comédienne proche du public, grâce à des rôles marquants de « célibattantes » ou d’héroïnes du quotidien. Récompensé d’un César en 2000, son personnage de femme qui lutte contre le cancer dans Haut les cœurs ! de Sólveig Anspach lui vaut une reconnaissance populaire immédiate. Karin Viard, c’est la femme moderne, prosaïque, avec ses hauts et ses bas. « Moi, je ne peux pas jouer les “princesses qui sentent bon”, ça ne me parle pas, je ne comprends pas. Une femme qui tue son gosse ou qui plaque tout, ça, par contre, ça existe, je peux m’en emparer. »
Second ou premier rôle, elle justifie ses choix étonnants par l’affection qu’elle porte aux projets qu’on lui propose. Dans 21 nuits avec Pattie, elle incarne la bonne fée d’Isabelle Carré, personnage principal de ce conte féminin et féministe, venu veiller le corps de sa défunte mère dans un village perdu. Si Karin Viard, volcanique, crève l’écran, son duo avec Isabelle Carré, tout en retenue, participe au charme étrange du film. « Quand la partition est belle et que tu aimes les gens derrière la caméra, ton ego passe après. Tu as juste envie d’en être, même si un second rôle, c’est toujours un peu frustrant », nuance-t-elle avec malice. Elle qui rêve de tourner avec Arnaud Desplechin avoue s’être plutôt amusée sur le tournage des Visiteurs 3 et assume les comédies populaires – tant qu’au moins le scénario la fait rire. « Être une actrice populaire de comédie, c’est déjà pas mal, non ? Faut juste essayer de slalomer entre les mauvais films et de ne pas gonfler les gens. » À la fois sophistiquée et directe, Karin Viard tire son charme d’une ironie constante, comme une forme d’élégance. La preuve, quand on la complimente sur sa prestation fabuleuse dans le film des Larrieu, elle répond, l’œil rieur : « Vous me dites ça parce que vous êtes amoureux de moi, non ? » On aurait du mal, après cette rencontre, à lui dire le contraire.

21 nuits avec Pattie
d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu (1h55)
avec Isabelle Carré, Karin Viard…
sortie le 25 novembre