Todd Phillips a-t-il réussi à donner une seconde vie au Joker? Début de réponse avec ce tour d’horizon des critiques tombées après le Festival de Venise, en attendant d’avoir notre verdict.
Huit minutes d’ovation à l’issue de sa projection à Venise, une promesse d’Oscar pour Joaquin Phoenix, une déferlante de superlatifs sur Twitter: le premier film de super-héros à passer les portes d’un grand festival semble avoir relevé le défi haut la main. Ceux qui doutaient encore de la pertinence de cette origin story qui sentait le réchauffé (avons-nous vraiment besoin d’un autre Joker?) semblent bel et bien avoir mordu à l’hameçon, louant une farce politique cauchemardesque sans précédant dans l’univers hyper normé de DC. Histoire de vérifier si cette unanimité apparente cache quelques détracteurs (car il y en a toujours, sinon on s’ennuierait), on vous propose un petit tour d’horizon des critiques déjà tombées.
Du côté de la presse américaine, les journalistes ont beaucoup souligné la prouesse d’écriture de Todd Phillips et son co-auteur Scott Silver, qui ont su raconter les débuts de ce personnage dans une étude intimiste aux accents politiques : « C’est une étude triste, chaotique et à combustion lente d’un homme qui est invisible, qui n’existe même pas dans le monde qu’il habite », note Terry White du Empire Online. D’autres, comme David Ehrlich d’IndieWire, loue la capacité du réalisateur à réinventer la forme du film de super-héros pour en transgresser les codes, et proposer un blockbuster provocateur qui doit autant à Taxi Driver qu’à La Valse des Pantins, là où The Guardian parle d’un spectacle explosif tendant vers l’anarchique, une tragi-comédie allégorique directement inspirée des dérives de notre monde contemporain.
Même son de cloche pour Vanity Fair, qui note que Joker est « un baptême de feu et de sang qui rappelle les protestations politiques qui ont balayé le monde au cours de la dernière décennie« , et pour Les Inrocks, qui y décèlent une fable à charge contre les puissances gouvernementales: « Joker serait-il un film politiquement radical, qui justifierait le recours à la violence comme une réponse légitime à la violence de l’Etat ? Non, il constate seulement que ces deux violences font bel et bien partie de notre temps« . Quelques ombres au tableau cependant, parmi lesquelles la critique du Monde qui déplore une galerie de clichés sur la folie empruntés à de grands cinéastes, sans grande originalité sous ses dehors poussifs. Un avis partagé par Little White Lies, qui reproche au film sa posture d’entre-deux vis-à-vis de la tradition des super-héros: « Le film essaye désespérément d’avoir l’air nerveux, mais refuse systématiquement de s’écarter des couloirs des films hollywoodiens tièdes. Cela finit par ressembler à rien de moins qu’un film dérivé de Suicide Squad. Pourtant, ses ambitions sont certainement plus élevées.«
Image: Copyright 2019 Warner Bros