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John Waters dévoile son top 10 2019
- Léa André-Sarreau
- 2019-12-02
Personne ne vieillit mieux que John Waters. A 73 ans, le pape du trash n’a rien perdu de sa cinéphilie boulimique, ni de son goût pour le scandale, le bizarre, l’extraordinaire, bref pour tout ce qui est en mesure de dynamiter la norme. La preuve avec le top 10 de ses films de l’année 2019 récolté par Art Forum-qui détrône dans notre cœur tous les autres palmarès, même ceux des professionnels de la critique (sans rancune pour nos confrères).
Climax de Gaspar Noé (sorti aux USA cette année)
On peut affirmer sans porter atteinte à sa réputation que John Waters n’a jamais été contre une petite pilule de temps en temps. Rien d’étonnant à ce que son coup de cœur de l’année soit un trip fiévreux et hallucinatoire, filmé par la caméra sous ecsta de Gaspar Noé. Une expérience synesthésique bourrée de références au slasher, de proverbes godardiens, et ponctué de chorégraphies voguing: il n’en faut pas plus à John Waters.
Jeanne de Bruno Dumont
Un choix qui confirme que sous ses airs décadents, John Waters est un grand mystique. Variation musicale et romantique autour de l’oeuvre de Charles Péguy, Jeanne explore les mystères de la foi avec une justesse philosophique, un sens aigu de la chorégraphie et des gros plans qui font résonner en nous la voix de Jeanne d’Arc. Un film qui « vous donnera la chair de poule catholique » selon John Waters.
Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino
La fin controversée, à la fois choquante et hilarante, du dernier film de Tarantino, a retenu l’attention du cinéaste. Au-delà de ça, on suppose que si le film lui a autant plu, c’est parce qu’il questionne les non-dits de l’Amérique, sa capacité à créer des monstres sans s’en apercevoir.
Border de Ali Abbasi
Un conte de fée à la fois grotesque et réaliste, qui mélange les genres pour magnifier gracieusement ses deux personnages monstrueux. Il pourrait s’agir d’un pitch de John Waters, mais non: c’est bien le film du cinéaste iranien Ali Abbasi que le pape du trash a élu à la 4ème place de son top. « Si Eraserhead avait des cousins, ce couple de trolls transgressifs les aurait accueillis dans leur monde étrange « : on admire le sens de la formule impeccable de Waters.
Amazing grace de Alan Elliott
Choix plus classique, mais on comprend l’attrait de John Waters pour ce documentaire musical longtemps perdu sur la diva Aretha Franklin. John Waters a toujours eu un petit goût pour les églises (aussi étonnant que cela puisse paraître, ses premiers films ont été projetés dans des bâtisses religieuses) et la puissance du gospel.
Hail Satan? de Penny Lane
Satan hante l’inconscient collectif américain, et accompagne aussi John Waters partout où il passe. La preuve avec ce documentaire qui nous plonge dans l’univers du Temple Satanique, fondé en 2013, et qui milite pour la séparation entre l’Eglise et l’Etat. « Depuis les Yuppies, on a pas vu une meute d’activistes militants aussi hilarante que le Temple satanique » s’est exclamé John Waters.
Douleur et Gloire de Pedro Almodóvar
« Tu n’es pas en train de mourir, Pedro; c’est ça, le cinéma indépendant ». Ce ne sont ni les couleurs flamboyantes ni les saillies mélodramatiques du film introspectif d’Almodóvar qui ont touché au cœur Waters, mais bien sa maturité et sa capacité à questionner le passé avec lucidité.
Golden Glove de Fatih Akin
Entre horreur et kitsch, ce film suit le parcours d’un tueur en série dans l’Allemagne des années 1970. La rumeur dit que l’effroi s’y mêle à des éclats de rire, avec un mauvais goût plein de malaise que John Waters a (faussement) honte d’apprécier: « Honte à toi, Fatih Akin, d’avoir fait ce film. Honte à moi de l’avoir mis dans ce top 10. »
The Souvenir de Joanna Hogg
« Si Marguerite Duras et Philippe Garrel avaient eu des relations sexuelles et que Martin Scorsese avait adopté leur progéniture cinématographique, c’est ce à quoi leur bébé-film aurait pu ressembler ». La métaphore familiale de John Waters parle d’elle-même, mais au cas où elle vous serait obscure (pas de panique, c’est normal), on rappelle plus sobrement que The Souvenir parle d’une histoire d’amour entre une étudiante et un homme plus âgé.
Joker de Todd Phillips
Même John Waters n’a pas pu résister au charme de cette origin story aux 100 millions de dollars, « premier film hollywoodien à gros budget à inspirer joyeusement l’anarchie » selon lui. Sans se faire prophète, sans nier l’ambiguïté politique parfois problématique du film, le cinéaste s’en remet à l’avenir (et à l’intelligence des spectateurs?): « Irresponsable ? Peut-être. Dangereux ? Nous verrons bien. »