
Il faut d’abord préciser que Je le jure est au centre d’une affaire judiciaire toujours en cours. En juillet 2023, lors du tournage, un technicien a porté plainte pour viol contre Samuel Theis, le réalisateur, qui s’est alors plié au protocole pensé par la production pour pouvoir finir le film : se confiner et diriger les équipes à distance. Le film porte lui-même sur une affaire judiciaire, qui n’a cependant pas le même motif.
Dernière partie de la trilogie mosellane réalisée par Theis (Party Girl, cosigné avec Marie Amachoukeli et Claire Burger en 2014 ; Petite Nature, sorti en 2022), Je le jure se place dans la droite lignée des films judiciaires français récents, qui entrecroisent l’intime et le social sur fond de mythes politiques, antiques ou littéraires prégnants (Saint Omer d’Alice Diop, sorti en 2022, ou Le Procès Goldman de Cédric Kahn et Anatomie d’une chute de Justine Triet, sortis en 2023). On s’arrime au point de vue du taciturne Fabio, qui vit dans le secret une relation amoureuse avec une femme plus âgée (beaux plans de nuit aux couleurs chaudes). Tiré au sort pour être juré au tribunal de Metz, il doit juger un pyromane accusé d’homicide involontaire.
On est d’abord frappé par l’énergie électrique qui se dégage de son casting mixte, mêlant trois actrices qu’on adore (Marina Foïs, Louise Bourgoin, Eva Huault) et des acteurs non professionnels très justes (à commencer par Julien Ernwein, alias Fabio, et Souleymane Cissé, qui joue l’accusé). Puis par une vision périphérique, qui sonde à la fois notre fascination banale pour le crime et les rouages intimidants de la machine judiciaire. Tout aussi désorientés, fragiles socialement et en feu intérieurement, Fabio et l’accusé subissent la confrontation d’une parole comprimée, heurtée ou incomprise à un langage institutionnel très codé. Au-delà des mots, le film nous touche par des regards parlants et une musique entêtante (des nappes electro suaves de Maud Geffray au titre culte des eighties « In a Manner of Speaking »). Entre sensibilité à fleur de peau et conscience sociale aiguë, le film nous a emportés.
Je le jure de Samuel Theis, sortie le 26 mars, Ad Vitam (1 h 50)