Avec Les Noces de Figaro, le réalisateur signe sa première mise en scène opératique pour le Théâtre des Champs-Elysées. A la veille de la première, Le Monde s’est faufilé dans les coulisses du projet pour l’interroger sur ce rêve d’enfant.
« A la scène comme à la vie » : l’adage est célèbre, et concernant James Gray, il renvoie aussi bien aux plateaux de tournage qu’aux planches de l’opéra. Sa filmographie est irriguée de morceaux opératiques au lyrisme grave, qui scellent le destin des personnages, anticipent leurs épreuves, confèrent à l’intrigue une force tragique.
James Gray rêve d’opéra depuis qu’il est enfant, et c’est avec Les Noces de Figaro de Mozart, dont il signe une mise en scène du 26 novembre au 8 décembre pour le Théâtre des Champs-Elysées, que son fantasme va se réaliser. A la veille de cette première exceptionnelle, Le Monde revient dans un papier inédit sur cette passion de jeunesse enfin concrétisée, dont les prémisses ne datent pas d’hier: « A 10 ans, on nous a emmenés voir Aïda. Je m’attendais à ce que de vrais éléphants débarquent sur scène… Nouvelle déception. L’année d’après, on a eu droit à Eugène Onéguine. Là, je me souviens d’une mélodie qui m’a subjugué explique-t-il. En 1994, dans le très autobiographique Little Odessa, il confie le rôle de la mère à la soprano Teresa Stratas, comme un premier clin d’oeil à ses écoutes précoces de Verdi et Rigoletto.
C’est que l’opéra est essentiel dans son cinéma. Le photographe tourmenté de Two Lovers incarné par Joaquin Phoenix, tiraillé entre deux amours, découvre sur une compilation les thèmes exaltés de L’Elixir d’amour, Manon Lescaut et Cavalleria rusticana. Une révélation artistique autant qu’un éveil des sens, qui résonne en James Gray: » Mon disque était de bien meilleure qualité que le sien. Le personnage de Joaquin se comporte de manière enfantine, presque bouffonne. On dirait Figaro, qui n’échafaude que des plans idiots et puérils.«
Celui qui voit The Immigrant « comme une traduction cinématographique d’un opéra de Puccini » est aussi revenu sur l’importance du silence, évoquant la bande-son de son épopée spatiale, Ad Astra, selon lui trop omniprésente: « Dans mon dernier film, Ad Astra, il y a trop de musique et de voix off. J’ai fait entendre ma voix d’auteur aussi loin que le système hollywoodien le permet. Quand votre budget pèse 78 millions de dollars, vous n’êtes hélas plus seul maître à bord. »
James Gray évoque aussi dans l’article les conseils fournis par plusieurs de ses amis cinéastes: tandis que Francis Ford Coppola a insisté sur l’importance des figurants (« Ton regard doit embrasser l’œuvre dans son ensemble » lui a-t-il dit), William Friedkin, plus terre à terre, l’a mis en garde: “Assure-toi que les chanteurs soient bien présents à toutes les répétitions.” Côté décor, le cinéaste a fait le choix épuré d’un décor intemporel, loin du baroque auquel on aurait pu s’attendre: « Rassurez-vous, je n’ai pas installé un studio Fox News sur scène ! » ironise t-il). Si vous n’avez pas encore pris vos places, consolez-vous avec l’intégralité de l’article du Monde, qui résumé très bien la mélancolie teinté d’humour du cinéaste.
Image: James Gray Copyright Wild Bunch