France 3 diffuse ce soir à 21h05 le culte Inglourious Basterds de Quentin Tarantino. Retour sur ce film furieux qui revisite de manière volontairement grotesque et spectaculaire une partie de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Dans Inglourious Basterds, Quentin Tarantino nous plonge dans la France occupée des années 1940. Il imagine l’histoire d’une jeune juive (campée par Mélanie Laurent) qui assiste à l’exécution de toute sa famille par un colonel nazi (Christoph Waltz). Shosanna Dreyfus parvient à s’extraire in extremis de la tuerie et se construit une nouvelle identité en travaillant dans un cinéma à Paris. Pendant ce temps, un commando de soldats juifs américains, mené par le lieutenant Aldo Raine (Brad Pitt), s’emploie à dézinguer une horde de nazis dans des effusions de sang purement tarantinesques. Aldo et Shosanna se croisent alors qu’une opération est orchestrée pour assassiner Hitler et ses sbires dans le cinéma de Shosanna…
On le sait, Tarantino n’a jamais eu froid aux yeux. En 2009, le cinéaste américain l’a une fois de plus prouvé avec ce film de guerre décalé qui prend pour toile de fond une période historique traumatisante. Un défi immense que Tarantino relève en entremêlant habilement faits historiques, mémoire cinéphile et fiction délirante, pour mieux souligner l’absurdité de la guerre.
LE CINÉMA, MIROIR DÉFORMANT DE L’HISTOIRE
Avant Django Unchained (sorti en 2013, ce revenge-movie inspiré par les westerns-spaghettis suit la trajectoire d’un esclave qui, deux ans avant la Guerre de Sécession, se libère de ses chaînes) et son dernier Once Upon A Time in Hollywood (film élégiaque sorti en 2019 dans lequel il revisite, avec une grande mélancolie, le Hollywood miné de la fin des années 1960, marqué par le meurtre abominable de l’actrice Sharon Tate par la secte de Charles Manson), le roi des cinéastes-cinéphiles se montrait déjà passionné à travers Inglourious Basterds par ce qu’offre selon lui la fiction et, a fortiori, le cinéma : la possibilité de se venger ou au contraire de réhabiliter les fantômes de l’histoire.
Fasciné par le pouvoir cathartique du septième art, ainsi que par la charge symbolique qu’il peut porter, Tarantino parsème ici – plus ou moins furtivement – plusieurs références cinéphiles pleines de sens : le film noir sublime Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot, rare film français non censuré par les nazis pendant l’Occupation, se hisse au fronton du cinéma de Shosanna, tandis que l’acteur allemand Emil Jannings, grande star de l’époque proche du régime nazi (il a été nommé par Goebbels « artiste d’état » en 1941), est raillé dans une scène dans laquelle il offre un baise-main ridicule à Shosanna. On sent par ailleurs l’influence immense du Dictateur de Chaplin dans la manière qu’a Tarantino de représenter Hitler en ultime bouffon – par le truchement de ses héros libérateurs, le cinéaste ira plus loin en infligeant au dictateur une mort violente et grotesque, loin de la réalité historique. Si cette façon de revisiter l’histoire a quelque chose de très démonstratif, le film s’inspire pourtant d’une histoire bien réelle, mais bien moins connue.
LA X-TROOP : QUI ÉTAIENT LES VRAIS « INGLOURIOUS BASTERDS » ?
Comme raconté dans cet article passionnant du DailyMail, les Inglourious Basterds sont les pendants fictifs d’un groupe de soldats ayant réellement existé. Surnommé la X-Troop (comprendre « troupe X » comme « troupe anonyme », car ils devaient agir en toute discrétion) par le Ministre de la guerre britannique de l’époque Winston Churchill, ce commando de soldats juifs recrutés en Europe de l’Est ou en Allemagne (qui ne furent donc pas des soldats américains) était chargé de récolter des informations auprès des troupes ennemies pendant l’Occupation.
Contrairement aux Inglourious Bastards, les membres de la X-Troop considéraient qu’un prisonnier vivant était plus important qu’un prisonnier mort, et que chaque information soutirée pouvait changer totalement la donne. Ils n’ont donc pas tout à fait vécu les affrontements musclés et jouissifs dépeints dans la fiction virile de Tarantino. Le film n’a d’ailleurs pas été très bien reçu par les anciens de la X-Troop, qui n’ont pas apprécié l’image violente que le film renvoyait d’eux. Anson, l’un d’eux, s’est même exprimé à ce sujet pour le DailyMail : « Ce n’était pas de l’ordre d’une revanche personnelle, mais bien une opposition à un système (…) qui avait terrorisé le monde entier. » Vu leur violence, nos « Inglorious Basterds » ne s’embarrassent effectivement pas de ces subtilités. – CAMERON GUYOT
Images : © Universal Pictures International France