Incendies de Los Angeles : l’industrie hollywoodienne à l’épreuve du feu 

Où en est-on des violents incendies qui balaient la Cité des Anges depuis le 7 janvier ? D’après les derniers chiffres partagés par les autorités locales, la catastrophe a provoqué jusqu’ici 25 morts, 100 000 évacuations et a endommagé ou détruit environ 10 000 structures. Ces feux n’ont pas non plus épargné l’industrie cinématographique, comme nous le raconte Didier Allouch, journaliste cinéma correspondant sur place. Outre les travailleurs plus ou moins célèbres du septième art touchés, des décors ont été détruits, des productions sont en suspens et la saison des récompenses est perturbée.


incendies los angeles 2025
US Forest Service photo © Jason Benton/ Captain, SRF Engine 341.

Leurs visages sont connus, leurs voix portent et elles ont rapidement été entendues. Anthony Hopkins, Mel Gibson ou encore Billy Cristal font partie des vedettes du cinéma américain qui ont vu leurs villas réduites en cendres dans les incendies de Los Angeles. Depuis dix jours, les feux font des ravages dans plusieurs quartiers du centre névralgique de l’industrie hollywoodienne.

Sur CNN, la vedette de Videodrome, James Wood, a fondu en larmes en évoquant sa demeure partie en fumée. L’acteur Milo Ventimiglia, célèbre pour la série This is us, était lui aussi très ému devant les caméras de France Télévisions et les débris calcinés de sa maison. « C’est arrivé si vite. Je repense à tous nos souvenirs ici, dans chacune des pièces de cette maison… mon cœur est en morceaux. »

UNE INDUSTRIE DUREMENT TOUCHÉE

Derrière ces stars, 680.000 professionnels travaillant directement ou indirectement dans l’industrie du divertissement vivent à Los Angeles. Le quartier de Pacific Palisades, particulièrement éprouvé par les incendies, « s’est rempli d’acteurs de techniciens, de scénaristes et de compositeurs entre les années 1970 et 1990, nous précise Didier Allouch, journaliste français correspondant à Los Angeles depuis plus d’un quart de siècle. « Aujourd’hui c’est une zone aisée mais d’autres, comme Altadena, plus modeste, où vivent de nombreux techniciens, sont aussi touchés. »

"Carrie au bal du diable" de Brian De Palma
« Carrie au bal du diable » de Brian De Palma © Splendor Films

DES DÉCORS PARTIS EN FUMÉE ET DES STUDIOS DÉSERTÉS 

Les flammes ont également détruit des infrastructures immortalisées dans des films, comme le lycée de Palisades Charter, où Brian de Palma avait tourné sa version de Carrie (1976), et qui avait aussi servi de décor au teenmovie Freaky Friday (2003). Ou le ranch du célèbre acteur du cinéma muet Will Rogers – un décor aperçu dans Funny Lady (1976) avec Barbra Streisand. L’une des demeures les plus chères de Pacific Palisades, aperçue dans la quatrième saison de Succession, n’existe plus.

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Avec des incendies à leurs portes, plusieurs studios ont fermé. Disney a ainsi stoppé le tournage de la série Abbott Elementary, la chaîne ABC celui de Grey’s Anatomy« La bonne nouvelle, c’est qu’on ne tournait plus beaucoup de films, notamment de blockbusters, à Hollywood, nous indique Didier Allouch. Il n’y en a eu qu’un l’an dernier, l’adaptation de The Mandalorian, car le réalisateur Jon Favreau a réutilisé les mêmes décors et les mêmes équipes que pour sa série. Mais Marvel a ses studios à Atlanta, beaucoup de tournages se font en Australie ou au Canada car cela coûte moins cher… Le débat avant les incendies portait d’ailleurs sur la question de les faire revenir à Los Angeles. » Les grosses productions locomotives de l’industrie ne semblent donc pas menacées, même s’il est difficile d’évaluer toutes les conséquences économiques pour le secteur.

UNE CRISE CONTINUE

Celles-ci sont d’autant plus scrutées que l’industrie cinématographique américaine sort exsangue de deux crises, celle du Covid-19 et la grève des scénaristes de 2023. « Il serait difficile d’en surmonter une troisième, analyse Didier Allouch. Il faut que l’argent rentre. » D’où l’extrême prudence autour de l’organisation des différentes cérémonies de prix. Les Critics Choice Awards ont été reportés, l’annonce des nominations aux Oscars aussi, mais une annulation semble difficilement envisageable tant ces grands raouts font travailler du monde. 

Un compromis pourrait être trouvé en supprimant le tapis rouge, comme en 2003 pendant la guerre en Irak, pour conserver l’événement sans céder à un étalage de glamour déplacé. Surtout, celui-ci pourrait se transformer en levée de fonds pour venir en aide aux sinistrés.

Car jusqu’ici, le soutien sur place relève surtout de la débrouille et de la solidarité. Le président Joe Biden a reconnu dès le 8 janvier l’équivalent d’un état de catastrophe naturelle en Californie, ouvrant la voie à des aides fédérales, puis débloqué un chèque supplémentaire de 770 dollars pour chaque victime. Mais la balle est désormais dans le camp d’un Congrès suspendu à l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier.