« Fotogenico » de Marcia Romano et Benoît Sabatier : sur les traces d’une fille

[CRITIQUE] Suivant les périples d’un père (toujours impeccable Christophe Paou) à Marseille pour reformer le groupe musical de sa fille décédée, « Fotogenico » captive par son mélange de mélancolie et de rocambolesque.


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« Fotogenico » de Marcia Roman et Benoît Sabatier (c) JHR

Après le décès d’Agnès, sa fille, Raoul, la cinquantaine, revient sur ses traces à Marseille pour essayer de mieux comprendre qui elle était. Au fil de ses déambulations alcoolisées, il découvre qu’elle avait dédié sa vie à la fête et à la musique, jusqu’à enregistrer un disque avec une bande de filles. Il décide aussitôt de reformer ce groupe, prêt à tout pour réentendre sa voix… Présentée à l’ACID de Cannes en mai dernier, cette comédie dramatico-musicale arc-boutée contre tout naturalisme détonne par son extravagance, explorant le deuil de son héros à travers les personnes que sa fille a fréquentées : ses amies, son amoureuse et un pseudo-poète dealeur. Par le montage et des mouvements de caméra turbulents, la mise en scène s’accorde aux attitudes fantasques des personnages, comme la démarche décalée de Raoul, qui progresse toujours à la limite du cadre.

Une excentricité que l’on retrouve aussi dans les contrastes esthétiques et musicaux de cette jeune génération nostalgique de David Bowie, Kim Wilde ou encore des Beatles. De prime abord, tout oppose Raoul et cette bande de filles, à commencer par le mode de vie de ces dernières, collectif et fauché. Mais de cette rencontre baroque jaillit un puissant élan de liberté, un refus obstiné du conformisme. Après la réalisation d’une trilogie de films à Marseille (Le Moral des troupes, Amore synthétique et Pastis brut, inédits en salles), Marcia Romano et Benoît Sabatier projettent de nouveau leur récit au cœur de la cité phocéenne, mais la débarrassent de ses clichés : en la réactualisant avec cette jeunesse désinhibée et soucieuse de l’habiter autrement, et en laissant Raoul l’arpenter non pas comme une ville fantôme, mais, au contraire comme un lieu revitalisé par les souvenirs de sa fille. Fotogenico s’électrise en réunissant ces personnages autour d’une tristesse commune et indicible, qui ne peut être dépassée qu’en célébrant la mémoire d’Agnès par sa musique.

Fotogenico de Marcia Roman et Benoît Sabatier, sortie le 11 décembre, JHR Films (1 h 34)