Félix Moati, jeune sage

C’était il y a bientôt dix ans. Au milieu d’une bande d’ados en plein chaos amoureux, Félix Moati jouait les jeunes premiers romantiques dans LOL (Laughing Out Loud) de Lisa Azuelos. L’œil rieur, looké comme un baby rocker, l’acteur alors âgé d’à peine 17 ans imprimait à l’écran un mélange d’insolence et de gravité adolescentes.


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C’était il y a bientôt dix ans. Au milieu d’une bande d’ados en plein chaos amoureux, Félix Moati jouait les jeunes premiers romantiques dans LOL (Laughing Out Loud) de Lisa Azuelos. L’œil rieur, looké comme un baby rocker, l’acteur alors âgé d’à peine 17 ans imprimait à l’écran un mélange d’insolence et de gravité adolescentes. Une énergie juvénile qui faisait chavirer les midinettes et offrait au cinéma français un comédien de taille à incarner à l’écran les fameux millenials, ces jeunes qui veulent tout, tout de suite. L’engagement politique (Télé Gaucho de Michel Leclerc, 2012), l’entrée violente dans la vie active (Hippocrate de Thomas Lilti, 2014), l’envie d’être toujours un ado (Libre et assoupi de Benjamin Guedj en 2014), les nouvelles formes de couple (À trois on y va de Jérôme Bonnell, 2015), la filmographie de Moati dresse, de rôle en rôle, un état des lieux des angoisses et des questionnements de la jeunesse française de ce début de XXIe siècle.

Pourtant Félix est clair, il n’a jamais aimé être jeune. « J’ai détesté cette période. Les débuts de la vingtaine, tout le monde vous met la pression comme si vous viviez un truc incroyable et qu’il fallait surtout en profiter au maximum. Quand je regarde les jeunes de 18-20 ans aujourd’hui, l’angoisse qu’il y a dans leurs yeux, je les comprends tellement. Je me sens bien plus heureux, bien plus léger aujourd’hui en approchant de la trentaine. »

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HOMME-ENFANT

On l’imaginait éternel ado, on le découvre, à 27 ans, plein de sagesse, citant avec aisance Friedrich Nietzsche, Pierre Bourdieu ou Paul Nizan au détour de la conversation. Pas de la frime, non, mais les traces d’une enfance lettrée, passée entre une mère haut fonctionnaire (« Ma mère, c’est quelqu’un, elle en impose », nous glisse-t-il avec un grand sourire) et un père journaliste et réalisateur, figure célèbre de la télévision française, qu’il admire tout autant. « J’ai toujours été avec des adultes. Je suis le petit dernier, donc mes parents m’emmenaient partout, j’écoutais leurs conversations. Ça a tout de suite créé un décalage avec les autres. » Mais l’acteur  n’est aujourd’hui plus vraiment considéré comme un «fils de» – c’est plutôt Serge Moati qui est devenu le «père de». L’idée l’amuse, mais la déférence prend le dessus. « C’est mon papa, l’homme que j’ai le plus regardé dans ma vie. Je serai toujours le “fils de”, et la fierté dans son regard me donne envie d’en faire toujours plus. »

Avec Simon et Théodore, justement, Mikael Buch lui offre une partition inédite, plus intérieure. L’acteur met son énergie bouillante, quasi burlesque, au service des fractures et des angoisses de son personnage. Une nouvelle manière pour Félix d’apprivoiser l’écran, pleine de silences et de maturité. « J’essaie de prendre le temps. Je ne sais pas m’ennuyer. Ma mère a essayé de m’apprendre. Impossible. Si je m’ennuie, je pense trop. » Donc, dans la vie, Félix Moati va vite, parle vite, rêve d’être Mathieu Amalric et de faire du cinéma populaire, de terminer son premier film et de continuer à jouer. Une énergie insatiable qui n’a pourtant rien à voir avec les feux follets de la jeunesse. « Avec mon pote Vincent Lacoste, on se dit souvent qu’on est déjà des vieux. Mais, finalement, ça fait du bien. On assume, on sait ce qu’on veut et où on a envie d’aller. Une fois que t’as compris ça, tu peux foncer sans regarder en arrière. Je fais des films pour aller de l’avant, en essayant le moins possible de m’arrêter. Travailler me rend le monde habitable. Sans ça, sans le désir de séduire et d’être aimé, je n’y arriverais pas ». Le verbe grave et le visage rieur, l’allure fringante et la barbe fournie, Félix Moati n’a pas peur des grandes phrases et des sentences définitives. Une façon singulière de se regarder sans compromis, de jauger avec ironie et tendresse ses forces et faiblesses. C’est sûrement ça, l’âge de raison.

« Simon et Théodore »
de Mikael Buch
Rezo Films (1 h 24)
Sortie le 15 novembre