« Praying for my Haters », jusqu’au 28 avril au Centre culturel suisse
Laurent Huret attire notre attention sur l’une des parties immergées de l’iceberg Internet. Le trop-plein des images qui y défilent sous nos yeux aurait tendance à nous faire oublier une réalité largement occultée, et que la jeune artiste suisse s’applique ici à mettre en lumière: l’effacement d’images (jugées) impossibles à regarder, et de fait invisibles pour les usagers. Une tâche qui n’est pas prise en charge par des algorithmes et autres intelligences artificielles, mais bien par des êtres humains à qui il revient de voir, trier et faire disparaître ce contenu explicitement violent et potentiellement traumatisant. Les fameux GAFA et autres géants du web ont recours à des entreprises de sous-traitance, principalement localisées aux Philippines et en Inde, qui emploient des centaines de milliers de content managers (sur)exposés à ces radiations visuelles sans aucun soutien psychologique. Alors qu’une imposante maquette architecturale évoque le caractère labyrinthique des bureaux et réseaux de ce système d’exploitation contemporain, une vidéo mêlant les registres documentaire et fictionnel est présentée: poursuivant ses recherches jusque sur le terrain, l’artiste s’est rendue à Manille pour filmer le lieu de travail de milliers de modérateurs de contenu contaminés, en martyrs, par ces images maudites et invasives. Une réalité ici amplifiée par un imaginaire mythologique et catholique qui soulève de passionnantes questions relatives aux liens entre vision et croyance(s), à l’aune d’une société (déjà) post-humaine.
« Luigi Ghirri. Cartes et territoires », jusqu’au 2 juin au Jeu de Paume
Cartographe poétique de l’Italie des années 1970, cet ancien géomètre révèle dans ses photographies des éléments isolés d’un paysage en voie d’urbanisation: décorations pavillonnaires, stations balnéaires, devantures de magasins, affiches publicitaires, décors de fêtes foraines… À travers ces (dé)cadrages conceptuels, Ghirri met en relief les faux-semblants de la société de consommation, prêtant à des détails anodins une force d’évocation atemporelle. »
« Julien Creuzet. Les lumières affaiblies des étoiles lointaines », jusqu’au 12 mai au Palais de Tokyo
Ancrés dans le concept de créolisation, les environnements de Julien Creuzet forment une constellation d’œuvres aux contours indéfinis, fatras de rhizomes dans lesquels les médiums se fragmentent et s’encastrent les uns dans les autres: poèmes, vidéos, musiques, sculptures… L’artiste reconstitue un archipel fantasmatique, hybridant rituels primitifs et low-tech, où même la réalité virtuelle devient prétexte à des mutations transculturelles.