- Article
- 5 min
Les romans « young adult » au cinéma
- Tiffany Deleau
- 2013-02-27
À l’instar de Twilight ou de Harry Potter, le film Sublimes créatures ouvre sur grand écran les chapitres d’une saga de papier du même nom (16 lunes en français). Au-delà de la transposition mécanique de leur succès, toutes ces œuvres sont liées par la nature de leurs intrigues, appartenant à une catégorie littéraire – sinon un genre – que l’on appelle roman « young adult » (YA). Loin d’être une nouvelle étiquette marketing, le terme est employé pour la première fois en 1802 lorsque que la femme de lettres Sarah Trimmer distingue un type de livres destiné aux jeunes âgés de 14 à 21 ans, qu’elle nomme « young adulthood ». Mais la notion de YA telle qu’on l’entend aujourd’hui naît en 1967 lors de la sortie du roman The Outsiders de S. E. Hinton, étalon caractéristique de ce type nouveau.
ÉDUCATION TEXTUELLE
Le roman YA est alors défini comme un roman d’apprentissage mettant en scène un héros adolescent (généralement âgé de 16 ou 17 ans) confronté à une suite d’épreuves qui, une fois résolues, le feront entrer dans l’âge adulte. Ce sont aussi des œuvres qui stimulent l’imagination du lecteur. « Les mondes développés dans ces livres sont des mondes imaginaires et donc lacunaires, décrit Matthieu Letourneux, maître de conférences en lettres à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense. Ils suscitent chez le lecteur une volonté de les compléter par d’autres modes d’expression, comme le cinéma ou le jeu vidéo, qui fonctionnent sur des modalités d’immersion. » Pour Cécile Terouanne, directrice éditoriale chez Hachette Jeunesse, qui publie Twilight de Stephenie Meyer et 16 lunes de Kami Garcia et Margaret Stohl, le premier critère reste l’émotion, « le fait de vibrer avec des héros auxquels on peut s’identifier. Si on s’en tient au phénomène Twilight, c’est le côté prince charmant, jeunesse éternelle et conte de fées réactualisé qui attire. »
L’engouement pour les romans YA est tel qu’aux États-Unis certains professeurs les inscrivent au programme. Le principe : lire The Outsiders pour comprendre Hamlet. « Beaucoup de professeurs pensent que si vous reliez un livre young adult à une œuvre plus classique qui partage les mêmes thèmes, l’étude de cette dernière sera plus substantielle », précise Pamela Cole, professeure de littérature à l’université américaine de Kennesaw, en Géorgie. Cécile Terouanne va plus loin en s’appuyant sur la saga de Stephenie Meyer, qui a selon elle déclenché un regain d’intérêt pour la littérature victorienne : « Avec Twilight, on a vu réapparaître Orgueil et préjugés ou Les Hauts de Hurlevent. Il existe des cercles vertueux où la littérature contemporaine commerciale permet de promouvoir des textes classiques. »
TENDRES ACNÈS
Mais les ados ne sont pas les seuls à s’intéresser aux romans qui leur sont théoriquement destinés. Selon une étude réalisée par Bowker en septembre 2012, 55 % des acquéreurs de ce type d’ouvrages sont adultes, âgés pour la plupart entre 30 et 44 ans. « Avec Harry Potter, la littérature jeunesse a obtenu ses lettres de noblesse, explique Cécile Terouanne. Les adultes y trouvent un imaginaire qui leur manquait dans la littérature générale. » Pour Pamela Cole, les adultes sont nostalgiques et « replongent dans leur propre jeunesse avec ces histoires d’ados. Ils pensent à ce qu’ils auraient aimé faire différemment ». En conséquence, les éditeurs adaptent l’offre à la demande en proposant un même livre dans plusieurs collections : « À la croisée des mondes de Philip Pullman a été édité en jeunesse et en adulte au moment de sa sortie », détaille Matthieu Letourneux.
Jouissant d’une audience grandissante, les œuvres YA ne risquent donc pas de déserter les librairies. Ce qui n’empêchera pas la fin de certains types de récits, selon Matthieu Letourneux : « La fantasy type Harry Potter est presque éteinte, ainsi que le récit de vampires. Aujourd’hui, on nous parle de fictions dystopiques. Les genres sont à la mode, puis disparaissent ou se transforment. » Le YA persiste en tout cas au-delà de l’effet de mode au cinéma, où son succès se démultiplie. « Quand vous adaptez ce type de romans, vous êtes sûr de réunir un public qui va de 10 à 50 ans, car les parents accompagnent leurs enfants, ajoute Cécile Terouanne. Le phénomène devient familial. » Avec des recettes qui se chiffrent en milliards (environ 2,5 milliards d’euros pour Twilight et plus de 5,7 milliards d’euros pour Harry Potter), le phénomène YA n’est pas près de s’essouffler.
Sublimes créatures de Richard LaGravenese (1h57)
avec : Alden Ehrenreich, Alice Englert…
sortie : 27 février