Emilie Gleason, autrice de BD

A 28 ans, elle affirme un ton fantaisiste et incroyablement vivant.


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GEn.A : c’est la génération engagée qui invente le monde d’après. Chaque semaine, Trois Couleurs part à sa rencontre pour tirer le portrait de jeunes artistes résistant.e.s, passionnant.e.s, exalté.e.s.

« Je veux habituer les enfants à voir des femmes poilues, des amitiés filles/garçons sans sous-entendus. »

Avec la bande dessinée Ted, drôle de coco (Atrabile), prix révélation d’Angoulême en 2019, la bédéaste belgo-mexicaine, formée aux Arts déco de Strasbourg, a affirmé un ton fantaisiste et incroyablement vivant, oscillant avec aisance entre drôlerie et gravité. Elle s’inspirait alors du quotidien de son frère, autiste Asperger, en envoyant valser les clichés.

Bousculer les codes de représentation, c’est son parti-pris d’autrice (elle dit vouloir « tordre le cou au syndrome de la Schtroumpfette »), notamment à travers les strips aussi fulgurants qu’existentiels, à destination des enfants cette fois, qu’elle publie dans le Journal Spirou : « Je veux habituer les enfants à voir des femmes poilues, des amitiés filles/garçons sans sous-entendus. »

Dans Comment survivre (éditions Lapin, 2018), elle propose des moyens de répondre aux injustices avec humour (Comment avoir de l’humour ? Comment gérer les relous au cinéma ? Comment paraître cultivé ?) Des ingrédients détonnants qu’on espère retrouver dans une adaptation en film animé de Ted, drôle de coco sur laquelle elle planche en ce moment, à l’occasion d’une résidence CNC/ Cité Bd d’Angoulême.

LE DÉCLIC : « J’ai remarqué que je m’exprimais mieux en dessin qu’à l’oral. Je m’échappe de notre grise réalité sur papier. Ted, lui, est né à un moment d’incompréhension, où je n’arrivais pas à mettre les mots sur ce que vivait mon frère. La BD m’a paru être une évidence comme moyen de communication ; non seulement j’y voyais plus clair, mais mon entourage comprenait mieux la situation. Je milite à ma manière, à travers des sujets précis, un humour à double tranchant, et un dessin à bras ouverts, pour toutes celles et ceux curieux d’entrer dans mon monde. »

LE FILM QUI L’INSPIRE : « Avec le confinement, j’ai eu du mal à me poser devant autre chose qu’une comédie. Tous les deux jours, je me recréais une ambiance cinéma à la maison. J’ai vu notamment Maestro (2013) de Léa Fazer [sur un acteur fan de Fast & Furious qui collabore avec un vieux cinéaste inspiré par Rohmer, ndlr.]. Ça m’a téléportée sous le soleil, et ça m’a confortée dans l’idée que deux mondes aux antipodes pourront toujours se mêler. Et puis, je ne vais pas mentir, Pio Marmaï me rend gaga. »