« Eephus. Le dernier tour de piste » de Carson Lund : le baseball dans la peau

[CRITIQUE] S’il n’a pas décroché la Caméra d’or au Festival de Cannes 2024, « Eephus », du réalisateur étatsunien Carson Lund, mérite déjà la palme de la plus belle découverte du cinéma américain indépendant de 2025.


"Eephus, le dernier tour de piste" (c) Omnes Films
"Eephus, le dernier tour de piste" (c) Omnes Films

Comment prétendre connaître les États-Unis sans avoir assisté au moins à un match de baseball ? Le chef-opérateur Carson Lund, cofondateur du collectif de cinéastes indépendants Omnes Films à Los Angeles, circonscrit l’Amérique rurale des nineties au terrain municipal d’une petite bourgade de la Nouvelle-Angleterre, bientôt transformé en collège. Un monde au bord de l’extinction qu’une tripotée de potes en jersey défraîchi investit le temps d’une dernière partie aux accents nostalgiques.

Carte postale délavée qu’on pourrait croire signée de la main de Robert Altman ou de Kevin Smith, ce premier film débordant de tendresse emprunte la trajectoire courbe d’un tir Eephus, une balle lancée si lentement qu’elle « reste en l’air super longtemps ». Lund donne l’illusion d’un temps suspendu au small talk d’usage entre deux coups de batte. «Le baseball, c’est en quelque sorte son incarnation, à l’Amérique, son rêve brisé, un stade profond où la rationalité absolue se referme sur elle-même, laissant au travers de ses règles rigoureuses libre cours au jeu de toutes les libertés », dissertent les anthropologues québécois Bernard Arcand et Serge Bouchard dans leur essai paru en 1995, Du Pâté chinois, du baseball et autres lieux communs. Un « antispectacle » collectif dont Carson Lund filme l’épilogue en sourdine, au crépuscule.

Eephus. Le dernier tour de piste de Carson Lund, sortie le 1er janvier, Capricci Films (1 h 38)