Rarement film n’aura autant regardé dans le rétroviseur : raccord avec les pulsations électro de sa bande-son eighties, emmenée par le crépusculaire Nightcall du Français Kavinsky, Drive trace sa route parmi un épais réseau de références littéraires, filmiques et musicales. Tour de pistes.
Cet article a initialement été publié en octobre 2011. Nous le republions à l’occasion de la diffusion de Drive, à voir dès maintenant sur le site d’Arte ou bien ce soir à 20h55 à la télévision.
L’italo-disco
Ralentissant et étirant la disco, l’italo-disco en offre, à l’orée des eighties, une version européenne, synthétique et évanescente. Pour la bande originale de Drive, Nicolas Winding Refn a choisi des morceaux signés par des continuateurs actuels de ce sous-genre (College, Chroma- tics, Desire, Kavinsky…), dont s’est également inspiré Cliff Martinez pour sa partition originale, d’une beauté lysergique.
Bande originale du film Drive (Record Makers)
Les contes de Grimm
Ryan Gosling aime à le répéter, Los Angeles est un lieu magique, bâti sur le fantasme. En bon film de genre, et de l’aveu même de son réalisateur, Drive adopte la structure et la taxinomie d’un conte de fées, dont le conducteur est le chevalier blanc venu sauver sa mie, aux prises avec un dragon et un sorcier maléfique.
Scorpio Rising de Kenneth Anger (1964)
Drive emprunte son économie de dialogues et son sceau – un scor- pion – à ce film de motards rebelles et mutiques, monument crypto gay du cinéma expérimental des années 1960. Les assistants de Refn auraient cherché dans toute la ville le blouson écru et molletonné, orné du fameux scorpion, qui enveloppe le flamboyant Gosling. Pas facile à porter.
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Pretty in Pink d’Howard Deutch (1986)
« Drive, c’est Pretty in Pink avec une tête qui explose », déclare Gosling. Jalonnée d’entêtantes rengaines pop, cette comédie romantique produite par le père fondateur du teen movie, John Hughes, suit une lutte des classes entre modeux dans un lycée américain. Comme le générique de Drive, film de bagnoles pour filles, joli en rose…
Le Solitaire de Michael Mann (1981)
Difficile de ne pas comparer l’ouverture haletante de Drive avec celle du Solitaire (Thief en V.O.). Musique pulsatile, titres fluos sur séquence nocturne et perfection du geste : le personnage de Ryan Gosling a hérité du professionnalisme féroce et motorisé des malfrats repentis de Michael Mann, à trente ans d’écart.
The Driver de Walter Hill (1978)
Si l’on songe parfois à To Live and Die in L.A. de William Friedkin (1986) ou Jours de tonnerre de Tony Scott (1990) pour leur violence et leurs courses poursuites stylisées, c’est ce récit de chauffeur à gages surdoué qui est cité en référence par Refn – ce, dès le titre de son film. Un lien qui donne à voir de saisissants échos plastiques et thématiques.
Stanley Kubrick
Grand rénovateur de la représentation de la violence à l’écran, Refn parle du maître américain avec ferveur: «J’ai pensé à Orange mécanique pour Drive, et je suis fan de Malcom McDowell, que j’ai croisé à Cannes. J’aime aussi beaucoup Eyes Wide Shut, j’ai tenté d’infuser dans mon film le même côté irréel, onirique. »
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David Lynch
Comme Blue Velvet ou Sailor et Lula, Drive se délecte du contraste entre amour et violence dans un univers pop et années 1980. Les déambulations nocturnes et psychotiques du Driver rappellent celles du héros de Lost Highway, quand le regard posé par Refn sur les simulacres hollywoodiens évoque, dix ans plus tard, Mulholland Drive.
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Drive de James Sallis (2005)
Polar court et nerveux, le roman dont est tiré le film a été écrit par un poète, traducteur, musicien et universitaire américain, spécialiste de Raymond Queneau et de Chester Himes. Si le film s’affranchit de la narration en flash-backs adoptée par le livre, l’adaptation reste très fidèle, sombre vision du monde observé à travers un pare-brise de voiture.
Roman disponible dans la collection Rivages Noir
Par David Elbaz, Clémentine Gallot, Juliette Reitzer et Auréliano Tonet