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David Lynch. The Art Life, Loving…Les films préférés de la rédac cette semaine

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  • 2017-02-15

DAVID LYNCH. THE ART LIFE de John Nguyen, Olivia Neergard-Holm, Rick Barns

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Habituellement peu disert la genèse de ses films, David Lynch se livre comme jamais dans ce documentaire, qui propose une plongée rêveuse et entêtante dans le cerveau de l’un des plus grands créateurs contemporains. Ceux qui veulent décoder l’œuvre labyrinthique de David Lynch ne le font pratiquement jamais à l’aune de sa biographie – ce n’est pas forcément l’angle le plus évident pour décrypter le style d’un auteur qui privilégie l’onirisme, les visions tordues, les chausse-trapes. Avec ce documentaire en forme de portrait trouble, on se dit pourtant que ses souvenirs sont une clé pour mieux le comprendre. En prenant le parti de ne raconter que sa jeunesse (son enfance heureuse dans une famille qui déménageait souvent, sa découverte de la peinture, sa méfiance envers les écoles d’art dans lesquelles il a étudié, à Boston et à Philadelphie…), le film s’écarte d’emblée du catalogue des grands moments de sa vie. Le réalisateur de Mulholland Drive (2001) est suivi dans son atelier, s’adonnant à son travail de plasticien en compagnie de sa fille en bas âge, Lula. À ces images où l’artiste apparaît concentré, silencieux, se mêlent des archives inédites (photos de famille, courts métrages de jeunesse, croquis, peintures…) sur lesquelles les réalisateurs s’appuient pour relater son parcours de jeune peintre. Mais c’est surtout sa voix flottante et nasillarde qui conduit le récit, le déforme, le fait dévier. Lynch est un très grand conteur, et quand il parle de la fois où, tout jeune homme, une nuit, il s’est volontairement enfermé dans une morgue, ou du moment où il a montré sa cave remplie d’animaux morts à son père, on bascule tout de suite dans son univers jeté et fascinant. Le film n’est jamais didactique ou scolaire, ses auteurs ayant préféré mettre en valeur les zones d’ombre du personnage et les mystères de ses peintures. Si bien qu’à la fin on est un peu perdu, et c’est réjouissant. On ne sait plus si c’est l’homme qui éclaire l’œuvre, ou bien le contraire. QUENTIN GROSSET

LOVING de Jeff Nichols

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L’Américain Jeff Nichols transpose l’histoire vraie d’un couple mixte persécuté par l’État ségrégationniste de Virginie à la fin des années 1950.Illégal, le mariage de Mildred et Richard Loving (c’est leur nom) les condamne à un exil de près de dix ans dans le district voisin de Columbia. Nichols dit avec précision l’infinie violence d’un racisme institutionnalisé et l’impact de l’histoire des Loving sur le mouvement des droits civiques – emmené par la combative Mildred Loving (impressionnante Ruth Negga), le couple a porté l’affaire jusque devant la Cour suprême des États-Unis. Mais le cinéaste, dont tous les films témoignent d’une grande estime à l’égard de la sentimentalité des personnages (Shotgun Stories, Take Shelter, Mud, Midnight Special), bouleverse surtout par sa manière de rendre hommage à la patience et à l’abnégation des Loving pour faire exister leur amour. Raccord avec les personnages humbles et renfrognés de l’Amérique rurale qui peuplent son cinéma (ici, l’acteur Joel Edgerton, taiseux à souhait, fait des merveilles), Nichols filme le grand amour sans envolées lyriques (mouvements de caméra caressants, lumière douce, musique discrète) mais comme une force tranquille et insubmersible, installée dans un quotidien simple et ancrée dans le sol poussiéreux du sud des États-Unis. C’est la puissance et la singularité de Loving, beau film d’amour terre à terre. JULIETTE REITZER

FUKUSHIMA MON AMOUR de Doris Dörrie

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Amoureuse du Japon, la réalisatrice allemande Doris Dörrie prend appui sur les décombres de Fukushima pour filmer avec grâce la renaissance de Marie, jeune femme venue d’Allemagne dans l’espoir de trouver une direction nouvelle à sa vie. Dans un endroit dévasté par la catastrophe nucléaire de 2011, les personnes âgées ayant refusé de partir habitent dans des préfabriqués de fortune, leur quotidien à peine égayé par la fantaisie de Marie, tour à tour clown ou prof de cerceau. Quand, une énième fois, l’exilée est interrogée sur les raisons de sa présence, elle éclate en sanglots : « Parce que je suis une connasse qui pensait se sentir mieux en aidant les gens qui vont mal. » À la fois drôle, âpre et touchant, le récit se pare d’atours fantastiques en pénétrant la maison en ruines de Satomi, geisha hantée par le destin funeste de sa dernière apprentie. Sertis dans un écrin en noir et blanc, quelques plans sur la danse d’un rideau, caressé par le vent, ou sur la couleur ternie de photos anciennes suffisent à invoquer spectres d’un passé douloureux et angoisses d’un futur incertain… Petit précis de résilience au cœur des terres irradiées. OLIVIER MARLAS

L’INDOMPTÉE de Caroline Deruas

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Deux créatrices affrontent leurs démons dans le cadre enchanteur de la villa Médicis : une première œuvre au charme voluptueux. Coscénariste des derniers films de Philippe Garrel, Caroline Deruas raconte l’emprise qu’exercent sur nous les êtres, les lieux, les œuvres, jusqu’à nous engloutir… ou nous libérer. Camille, écrivain (Clotilde Hesme), et Axèle, photographe (Jenna Thiam), sont en résidence à la villa Médicis, à Rome, « la ville la plus riche d’histoire, la plus instructive et qui parle le plus à l’imagination ». Entre ces deux artistes au profil opposé (la première a les pieds sur terre et du vague à l’âme, la seconde est une boule de feu tombée du ciel) se noue une relation mêlant rivalité et fascination. Si l’esprit de sérieux guette, il est chassé subito par la partition allègre de Nicola Piovani ou les apparitions de Lolita Chammah et Virgil Vernier, éléments comiques de cette colo chic. Osant l’onirisme échevelé (des sculptures qui prennent vie) et le réalisme trivial (la question des coupes budgétaires), Deruas, ex-pensionnaire de la Villa, ouvre avec gourmandise toutes les portes de cette maison hantée propice au syndrome de Stendhal. JULIEN DOKHAN

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