« Jean-Luc Godard est un sujet biographique redoutable.» En 2010, Antoine de Baecque signait une passionnante biographie du cinéaste suisse et employait, bien avant le film de Michel Hazanavicius, l’adjectif « redoutable » pour qualifier son défi : relater l’itinéraire d’un des artistes les plus importants du XXe siècle. Hazanavicius s’aventure quant à lui à désacraliser la légende cinéphile en adaptant sur un ton fantaisiste Un an après, le roman d’Anne Wiazemsky (incarnée ici par une Stacy Martin très Nouvelle Vague) paru en 2015 dans lequel la comédienne et écrivaine raconte sa relation avec le cinéaste, qu’elle a épousée en 1967. Entre leur idylle sur le tournage de La Chinoise et le moment où la jeune femme s’écarte de lui pour tourner avec d’autres, Godard, dans le sillage de Mai 68, change de braquet artistique et se met à la réalisation de films collectifs d’inspiration marxiste.
Renouant avec la veine comique de La Classe américaine. Le grand détournement ou des OSS 117, Hazanavicius semble notamment beaucoup s’amuser à pasticher et à démythifier le style godardien de l’époque (les teintes criardes et artificielles, très sixties ; le jeu de Stacy Martin, qui adopte la même moue qu’Anna Karina dans Vivre sa vie). Si Mai 68 y reste une toile de fond survolée et un peu toc, le film communique donc cette pure joie fétichiste du clin d’œil cinéphile. Mais sa réussite tient surtout au plaisir de voir Godard y devenir un personnage familier, moins intimidant que l’image publique de vieux sage énigmatique qu’il renvoie parfois. Dans son portrait, Hazanavicius est aussi incisif qu’affectueux. Bien sûr, avec son gros défaut de prononciation, sa calvitie hirsute, sa misogynie et sa misanthropie caricaturales, le Godard version Le Redoutable est insupportable. Mais il est aussi faillible, ce qui le rend éminemment sympathique et hilarant. Mieux, son côté cartoonesque rend paradoxalement le génie plus humain.
de Michel Hazanavicius
StudioCanal (1 h 42)
Sortie le 13 septembre