Vu à la Berlinale 2025 : « Mickey 17 » de Bong Joon-ho 

[CRITIQUE] On redoutait le ratage, le nouveau film de Bong Joon-ho (auteur du multi-primé Parasite) n’étant sélectionné dans aucune Compétition – ni Cannes, ni Venise, ni Berlin. Montré en séance spéciale à la Berlinale, Mickey 17 (en salles le 5 mars) est une déflagration : drôle, satirique et (très) politique.


Mickey 17
Mickey 17 de Bong Joon-ho

Mickey 17 s’ouvre sur un visage couvert de neige, d’une chapka et de grosses lunettes d’aviateur. Sous le givre, on reconnait tout de même les traits anguleux de Robert Pattinson, qui ne tarde pas à essuyer le verre de son masque puis à l’écarter. La vraie surprise vient de la voix du personnage, qui commence à raconter son histoire en off : elle est bien plus aigüe et pincée que le souvenir que l’on a de celle de Pattinson. Un petit décalage d’apparence anodin qui produit en fait un effet concret, celui de donner une tonalité comique aux aventures de ce héros très américain.

On fait soudain la connexion avec le prénom du héros : c’est une voix à la Mickey Mouse. Et quelle meilleure référence que cette souris, emblème historique du divertissement US, pour nous accueillir avec humour dans ce futur proche d’une violence inouïe ? Criblé de dettes sur Terre, le gentil mais un peu bête Mickey a postulé (sans savoir ce que c’était) pour devenir « expendable » dans une mission spatiale visant à coloniser une planète glacée : chaque fois qu’il meurt, les données de son identité et de sa mémoire, conservées dans un disque dur en brique, sont transférées dans un nouveau corps (toujours le même, celui de Pattinson) accouché par une imprimante 3D.

Il sert ainsi de cobaye aux scientifiques de la colonie, qui grillent plusieurs versions de Mickey en arrivant sur la nouvelle planète après quatre ans et demi de voyage (et beaucoup de galipettes prohibées entre Mickey et son amoureuse Nasha, campée par Naomi Ackie) pour trouver un vaccin permettant aux humains de survivre au virus qui s’y trouve. Tout cela sous la houlette d’un politicien démiurge (Mark Ruffalo, qui excelle dans une transposition de Donald Trump manifestement jouissive et absolument hilarante) et de son épouse obsédée par les sauces (Toni Collette, dont la précision et la folie du jeu ne sont plus à prouver).

Les références sont limpides (Donald et Melania Trump, les supporters MAGA à casquettes rouges, les velléités d’Elon Musk de coloniser Mars) mais jamais écrasantes ou futiles. Bong Joon-ho et ses acteurs, dont un Robert Pattinson dans son meilleur (multiple) rôle, dosent à la perfection la satire.

Timing comique parfait, traits grossis pile où il le faut, défense de valeurs humanistes sans dégouliner de bons sentiments… Mieux que dans Snowpiercer (2013), Okja (2017) ou même Parasite (2019), le cinéaste sud-coréen s’empare des menaces de notre époque pour les contrecarrer avec des principes aujourd’hui déconsidérés ou moqués : la gentillesse, l’empathie, le sexe libre et joyeux, la douceur, la complexité, le respect.

Le tout avec un second degré et une autodérision qui manquent aussi cruellement à l’époque. Dépassant vite l’idée de régénérer un corps jusqu’à l’épuisement, Mickey 17 redonne vie à des fondamentaux et, dans le même temps, à un cinéma de SF grand public aussi délirant que malin, dans la lignée de Men in Black et Mars Attack ! De quoi nous laisser penser, au moins pendant les 2h20 du film, que le cinéma grand-spectacle et la démocratie ne sont pas morts.

A LIRE AUSSI : Pourquoi Mickey 17 a été retardé ? Bong Joon Ho répond

: Mickey 17 de Bong Joon-ho (Warner Bros, 2h17), sortie le 5 mars